Pour votre facilité, vous pouvez consulter sur le site tous
les documents proposés par "Cercles chrétiens".
Je vous encourage
cependant à visiter leur site
Web pour de plus amples renseignements.
Dossier Cercles chrétiens - octobre 1999 |
Publié simultanément le 16 septembre 1999, en France, Allemagne, Grande-Bretagne et Etats-Unis, le livre de John Cornwell, "Le pape et Hitler" (publié en anglais sous le titre "Hitler's pope") se révèle être une attaque fondamentalement polémique contre Pie XII et la papauté en général : la campagne médiatique en cours le présente comme un " ouvrage exceptionnel ", fournissant des " documents et témoignages inédits " et montre Pie XII comme fondamentalement antisémite, complice du nazisme, caricaturalement autoritaire et anticommuniste " forcené " ; l'ouvrage se termine par une attaque en règle contre sa béatification et contre le pape Jean-Paul II accusé des mêmes défauts que son prédécesseur.
Le Club Histoire, bien connu des amateurs de livres historiques, placé sous le patronage d'historiens bien connus comme Pierre Chaunu, Jean Favier, Pierre Lévêque consacre une page spéciale à ce livre dans son catalogue Automne en reprenant à son compte les propos diffamatoires cités ci dessus. Sous le titre " le pape complice ? ", l'ouvrage est présenté à côté du livre " Les complices d'Hitler ", et affirme qu'il fait " ressortir que Pie XII était profondément antisémite, aveuglé par une haine viscérale du communisme et prêt à justifier n'importe quelle religion même païenne sauf le judaïsme du moment qu'elle servait le combat contre le 'communisme athée' ".
Les Cercles Chrétiens proposent un dossier complet avec l'ensemble des documents sur cette question sur la page :
www.pro-ecclesia.com/cercles-chretiens/histeglise/cornwell/dossiercornwell.htmlLes Cercles Chrétiens invitent tous ceux qui sont scandalisés par cet ouvrage et la publicité qui lui est faite à protester énergiquement auprès d'un certain nombre de personnalités et autorités sur le caractère non scientifique et gravement diffamatoire de cet ouvrage envers l'Eglise. On peut trouver un exemple de lettres déjà envoyées sur le site des Cercles Chrétiens. Toutes les lettres doivent être fermes mais respectueuses, jamais insultantes ni fanatiques.
* M. le directeur des éditions Albin Michel
22 rue Huygens 75014 Paris
- pour avoir publié ce livre en le présentant comme scientifique alors que c'est un pamphlet partisan (communiqué de présentation du livre sur le site des Cercles chrétiens)* Contact presse des éditions Albin Michel Régine Billlot
22 rue Huygens 75014 Paris
- pour la présentation infâmante et tendancieuse qu'elle fait de l'ouvrage dans le communiqué diffusé à l'ensemble de la presse et repris par les journeaux* La conférence des évêques de France
Mgr le secrétaire de l'épiscopat
106 rue du Bac 75007 Paris
- pour que l'épiscopat proteste contre cette entreprise médiatique qui vise à discréditer l'Eglise et la papauté* Le directeur du Club Histoire Pierre Valaud
Codiem
Vepex 5000
99090 Paris cedex
- pour avoir abordé un sujet aussi délicat en ne proposant qu'un seul livre, polémique de surcroît, sans équilibrer cette thèse par la vente d'autres livres comme l'ouvrage de Pierre Blet " Pie XII et la guerre " paru en 1997 aux éditions Perrin, et qui pourrait être proposé dans le prochain catalogue* La directrice commerciale du Club Histoire Marie-Christine Besse-Darcq
Codiem
Vepex 5000
99090 Paris cedex
- pour lui dire que si le club histoire veut recruter des membres il faudrait d'abord qu'il soit fidèle à la qualité de choix des ouvrages qu'il prétend avoir ce qui n'est pas le cas avec le Cornwell* Les membres du comité historique du Club Histoire
# Pierre Chaunu
12 rue des Cordelliers
14000 Caen
# Jean Favier
Editions Fayard - contact auteurs
75 rue des saints pères 75006 Paris
# Pierre Goubert
Editions Fayard - contact auteurs
75 rue des saints pères 75006 Paris
# Jean Guilaine
12 rue Marcel Doret
11000 Carcassonne
# Emmanuel Le Roy Ladurie
Editions Fayard - contact auteurs
75 rue des saints pères 75006 Paris
# Pierre Lévêque
11 rue Charbonnel
75013 Paris
# René Rémond
172 avenue du Maine 75014 Paris
- parce que leur crédit et leur notoriété sont utilisés par le Club Histoire pour vendre un ouvrage polémique, dénué de caractère scientifique, présenté sans réserve* Le grand rabbin de France Joseph Sitruk
Grand rabbinat de Paris
17 r St Georges 75009 Paris
- parce que ses attaques contre Pie XII et sa demande de report de la béatification heurtent la sensibilité chrétienne et vont à l'encontre de tous les remerciements de personnalités juives à l'égard de Pie XII
LE PAPE ET HITLER
L'HISTOIRE SECRETE DE PIE XII
John CORNWELL
Sortie mondiale simultanée le 16 septembre 1999, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et en France.
Depuis quelques années est engagée au Vatican une procédure de béatification de Pie XII (Eugenio Pacelli), pape de 1939 à 1958. Elle est aujourd'hui sur le point d'aboutir. Le fait est d'autant plus décisif que l'antisémitisme de la papauté est au centre d'un débat lancinant. Une béatification aurait donc valeur de réhabilitation.
Le livre de Cornwell est exceptionnel, car il se fonde sur des documents inédits : les dépositions sous serment de témoins entendus pour la procédure de béatification, et des archives du secrétariat d'Etat du Vatican. Pie XII y apparaît comme un homme profondément antisémite et un adversaire acharné du communisme. Dans cette enquête, qui retrace la vie entière d'Eugenio Pacelli, John Cornwell démontre que, dès l'époque de sa nonciature en Allemagne, le futur pape fut le complice du régime nazi .
Par-delà sa contribution aux recherches sur l'antisémitisme de Pie XII, cette enquête apparaît comme un réquisitoire en règle contre la doctrine de l'infaillibilité pontificale. Le bref tour d'horizon des principales convictions de Pie XII et de sa théologie qui clôt l'ouvrage permet de mesurer le chemin parcouru mais aussi la crise morale et intellectuelle qui continue d'agiter les plus hautes autorités ecclésiastiques.
John Cornwell est journaliste d'investigation, spécialisé dans les affaires de l'Eglise auxquelles il a consacré plusieurs ouvrages, dont "Comme un voleur dans la nuit : enquête sur la mort de Jean-Paul ler (Robert Laffont, 1989)".
Mise en vente : 16 Septembre 99
Contact presse : Régine Billot 01 42 79 10 05
Presse province, Belgique, Suisse : Sandrine Labrevois 01 42 79 10 01
Le Club Histoire se présente comme la référence en matière de choix de livres historiques. Selon les propres termes de son catalogue, son "comité d'historiens vous garantit la qualité et l'impartialité des choix". En sont membres : Pierre Chaunu, Jean favier, Pierre Goubert, Jean Guilaine, Emmanuel Le Roy Ladurie, Pierre Lévêque, René Rémond. La présentation qui est faite du livre de John Cornwell est la suivante :
Le Pape complice ?
Sujet particulièrement délicat : les rapports entre le Vatican et le régime hitlérien. Au moment où une procédure de béatification de Pie XII est sur le point d'aboutir, le sujet est encore plus sensible, car son succès équivaudrait à une réhabilitation. Or, ce livre se fonde, entre autres, sur les dépositions sous serment de près de soixante dix témoins (fait unique dans les annales de l'Eglise) qui font ressortir que Pie XII était profondément antisémite, aveuglé par une haine viscérale du communisme et prêt à justifier n'importe quelle religion - même païenne - sauf le judaïsme du moment qu'elle servait le combat " contre le communisme athée ". Les archives allemandes permettent d'aller, semble-t-il, encore plus loin puisqu'elle paraissent démontrer que le futur pape, dans les années 1930 s'est appliqué à démanteler toutes les associations catholiques susceptibles de lutter contre l'antisémitisme nazi. Jusqu'au bout les Juifs sont restés les " meurtriers de Jésus ". Par delà la contribution aux recherches sur l'antisémitisme et sur Pie XII, ce livre vigoureux apparaît comme un réquisitoire en règle comme l'infaillibilité pontificale.
Suit la présentation d'un autre ouvrage intitulé : Les complices d'Hitler ...
Le Figaro - Croyez-vous à une alliance ou une complicité entre Pie XII et Hitler ?
Joseph SITRUK. - Il appartient aux historiens, et non à un rabbin, de répondre à la question. On peut néanmoins
observer le goût du pouvoir déployé par Pie XII. Un chef spirituel peut-il s'arroger tant de poids dans une période mouvementée, sans que le pouvoir l'emporte sur la morale ?
- Quel est le reproche des juifs contre Pie XII ?
- Son silence. Des preuves nous ont été données que l'Église en a désormais pris conscience. Mais nous n'oublions pas le courage de nombreux évêques contre le nazisme. Eux ne s'en sont pas tenus à un silence coupable.
- A quelles conditions l'hypothèque Pie XII sera-t-elle levée dans le judaïsme ?
- Il faudra d'abord que cette période sombre soit soumise au regard objectif des historiens. Il convient d'apporter la lumière, afin. d'en finir avec le soupçon sur d'éventuelles erreurs d'appréciation. Dans l'attente de cette clarification nécessaire, il faut différer la béatification de ce pape : elle serait, pour le moment, un nouveau germe d'incompréhension entre juifs et chrétiens.
- Estimez-vous que le pouvoir pontifical se durcisse à nouveau, comme le prétend John Comwell ?
- Non, je ne vois pas comment étayer cette thèse. Jean-Paul Il est un homme fascinant dont je pense beaucoup de bien et je le lui ai écrit. Comme en nous tous, ombres et lumières se mêlent dans sa personne. Mais il joue un rôle dynamique pour l'Église catholique, même si certaines de ses attitudes ont été discutables ou incomprises chez les juifs.Propos recueillis par Élie Maréchal
L'historien réfute tous les arguments de John Cornwell contre Pie XII, et affirme qu'il a contribué à sauver les juifs de l'extermination.
Le Figaro : Peut-on prétendre, comme le fait John Cornwell, que Pie XII était germanophile et antisémite ?
Pierre Chaunu : Qu'il ait été germanophile, qu'il ait aimé la culture allemande, ce n'est pas douteux. Mais ce n'est pas un crime ! Dire qu'il a été antisémite n'a pas de sens, rien ne permet de l'affirmer. En tant que chef de l'Eglise catholique, il avait certainement une préférence pour les catholiques. On attaque un homme, c'est une opération contre l'Eglise catholique. En tant que protestant, je me sens solidaire !
- Pourquoi, salon vous, l'historien avance-t-il cette thèse ?
- Dire que Cornwell est un historien, c'est un grand honneur ! Je le vois plutôt en publiciste ! S'il était vraiment historien, il ne ferait pas de la téléologie. C'est une règle absolue pour les historiens : quand vous faites l'interprétation d'un texte, vous ne vous préoccupez pas de ce qui est advenu ensuite. Quand on vit un évènement on ne sait pas, par définition, la suite ! En 1940, Pie XII ne pouvait pas connaître la conférence de Wannsee, en 1942, laquelle était bien secrète ... On a des preuves capitales.
Pie XII était d'entrée de jeu du côté des Alliés. Quelques jours avant mai-juin 1940, il leur a communiqué où et quand ils allaient être attaqués par les Allemands, en précisant l'endroit. C'est une preuve absolue qu'il ne souhaitait pas la victoire hitlérienne. Dans la mesure où on aime la culture allemande, on espère que les Allemands vont de débarrasser d'une tyrannie monstrueuse.
- Quelle était la situation de Pie XII à Rome, et que savait-il exactement ?
- Le pape est à Rome, dans l'Italie mussolinienne. Et, à la chuté de Mussolini, Rome passe sous contrôle allemand. Radio Vatican donne des informations qui déplaisent: on lui coupe le courant ! Pie XII entretenait un lien personnel avec Roosevelt. Vers la fin 1942 ou le début 1943, des renseignements parviennent à Roosevelt par des juifs de Suisse. Roosevelt les communique au pape. La réponse de Pie XII au président américain fut : je dispose des mêmes sources, je crains qu'il y ait beaucoup de vrai dans ces informations. C'est très exactement la position de tous ceux qui combattent Hitler à cette époque. Autre preuve : pourquoi aucun groupe de Résistance n'a-t-il fait sauter les trains de déportés ? C'est seulement à la fin de 1945 qu'on a vu ce qu'étaient les camps de concentration et les camps d'extermination.
Une chose a été établie par des historiens israéliens : Pie XII a sauvé huit cent mille juifs par des méthodes indirectes. Prenons l'exemple de la communauté juive de Rome, à la fin mai 1944. Le Saint-Siège reçoit l'information selon laquelle tous les juifs de Rome vont être déportés. Branle-bas de combat au Vatican : le pape demande à son secrétaire d'Etat de convoquer l'ambassadeur allemand Weizsäcker. On le menace. Weizsäcker plie et fait savoir au commandant allemand qu'il ne peut pas exécuter cet ordre parce qu'il ne dispose pas de wagons." c'est idiot "
- Cornwell affirme que le pape ne se serait jamais élevé contre le nazisme, à la différence de son prédécesseur. Est-ce exact ?
- C'est idiot ! Son prédécesseur l'avait déjà fait avec éclat et avait aussi condamné le communisme. La tradition, au Vatican, est de ne pas refaire le travail de son prédécesseur. Que cela aurait-il apporté de plus ?
- Pourquoi Cornwell tente-t-il de démontrer que Pie XII a toujours gardé le silence sur l'Holocauste alors qu'il était au courant ?
- C'est faux ! Il n'était pas plus renseigné sur l'Holocauste que Roosevelt et Churchill. Il y a une différence entre le système de Staline et celui de Hitler. On a la signature de Staline pour le massacre des officiers polonais à Katyn. L'ordre de Wannsee était top secret, jamais Hitler n'a signé le papier. Il a donné un ordre oral. L'Holocauste paraît tellement monstrueux, tellement unique, qu'il n'était pas prévisible. On a découvert l'Holocauste quand on est arrivé à Auschwitz. On n'a pas bombardé les camps. Progressivement, on a pris conscience de la réalité. Le pape n'en savait pas plus que les autres.
- Cornwell fait du pape l'aillé objectif de Hitler, n'est-ce pas exagéré ?
- Qu'est-ce qu'un allié objectif ? C'est de la langue de bois, c'est absurde ! Il ne faut rien connaître à l'histoire de cette époque pour affirmer de telles choses. La solution que Pie XII a adoptée était la moins mauvaise possible. On peut soutenir qu'il aurait dû faire un coup d'éclat. Mais comment ? On a coupé le courant à Radio Vatican pour des choses mineures. Même, un coup d'éclat pouvait entraîner des représailles de la part des nazis. Prenons l'exemple de la Hollande où 85% de juifs ont été massacrés. Et pourtant, il y avait eu une déclaration solennelle de l'ensemble de l'épiscopat de la Hollande. La politique du grand coup de clairon pouvait avoir des conséquences désastreuses.
- Pie XII, au contraire, entretenait-il des rapporte avec les Alliée ?
- Bien sûr. Constamment. Quand il communique le lieu et la date de l'attaque en 1940. Et Gamelin n'en a rien fait. Pie XII était du côté des Alliés. L'amitié avec Roosevelt date de quinze ans ! C'est connu. On peut, à la rigueur, lui reprocher de s'être trompé. L'Holocauste était inimaginable, on ne l'a pas imaginé tout de suite. Roosevelt n'a pas fait de déclaration sur l'Holocauste car il ne savait rien. Même les déportés qui allaient vers les camps d'extermination ont découvert sur place le sort qui leur était réservé.Propos recueillis par Philippe CUSIN
Au milieur du trouble provoqué par la publication du livre de John Cornwell Le pape d'Hitler, la Congrégation pour la cause des saints poursuit tranquillement le procès en béatification de ce grand pape.
" Nous ne nous laissons pas impressionner par des ouvrages sans valeur scientifique ", explique le Père Pierre Gurnpel. Jésuite allemand résidant à Rome, il a été nommé par le Pape "rapporteur" de la cause de Pie XII, chargé de diriger la préparation de la documentation relative à ses vertus, la "positio".
Celle-ci est bien avancée. Deux volumes ont été imprimés ces jours-ci, et les deux autres sont presque achevés. L'ensemble représente plusieurs milliers de pages, qui seront ensuite étudiées par les théologiens de la Congrégation.
"Nous avons bon espoir quant à cette béatification, mais nous ne sommes pas pressés", souligne le Père Gumpel, qui estime que le procès devrait encore demander un minimum de deux ans pour parvenir à son terme.
Il s'agit en effet d'un gros travail, parce que Pie XII a beaucoup écrit - notamment, pas moins de treize encycliques - que son pontificat a été très long - dix-neuf ans - et qu'il a couvert une période complexe de l'Histoire, et de celle de l'Eglise en particulier.
Dans le cours de ce procès de béatification, quelle influence peut avoir la publication d'un livre comme celui de John Cornwell ? "Aucune, répond le Père Gumpel, car il n'a pas de fondement historique."
Et de raconter qu'ayant lui-même reçu John Cornwell à Rome il y a deux ou trois ans, il a alors constaté qu'il connaissait très mal l'Histoire de l'Eglise en Allemagne au début du siècle, ainsi que les principes des relations internationales du Saint-siège.
"Une attaque sans aucun crédit scientifique"
"Je n'ai pas l'intention de mettre en doute la sincérité de M. Comwell, précise le Père Gumpel, mais il est clair que d'un point de vue objectif, son oeuvre n'est rien d'autre qu'une attaque fondamentale de Pie XII, qui n'a aucun crédit scientifique"
Les textes qu'il présente comme inédits sont accessibles à tous les étudiants qui en font la demande, indique encore le jésuite. Qui constate que les documents que cite John Cornwell ont été sélectionnés pour soutenir la thèse selon laquelle Pie XII était favorable aux nazis.
Ce qui lui permet de qualifier sa bibliographie de "pitoyable ".
Mais que penser de l'opposition de certains milieux juifs à cette éventuelle béatification ? "Une béatification est une affaire propre à l'Eglise catholique, rappelle le Père Gumpel, et c'est sa crédibilité même qui est atteinte à travers cette opposition."
Quant aux critiques concernant l'action de Pie XII à l'égard des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, il souligne la nécessité d'informer clairement de ce qu'elle a vraiment été. "Il est regrettable de penser que de pseudo-historiens peuvent induire en erreur des catholiques à ce sujet."
Caroline Boüan
Pie XII mourait le 9 octobre 1958. Il fut aussitôt l'objet d'un concert d'hommages admiratifs et reconnaissants. Golda Meir, ministre des Affaires étrangères de l'Etat d'Israël : " Nous perdons un grand serviteur de la paix. " Quelques années plus tard, à partir de 1963, Pie XII devenait le héros d'une légende noire : durant la guerre, il serait resté impassible et silencieux devant l'extermination du peuple juif.
Paul VI constitue alors un groupe d'historiens ayant pour mission de recueillir dans les archives du Vatican et d'autres sources les Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde Guerre mondiale. Ce travail se poursuivit de 1964 à 1982. Professeur d'histoire moderne à l'Université grégorienne de Rome, le père Pierre Blet, jésuite, est le seul survivant de ce groupe d'historiens. En 1997, Il publiait (chez Perrin), un ouvrage intitulé " Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d'après les archives du Vatican " qui sera présenté en italien ces jours-ci. Interrogé à l'époque par les journalistes sur l'action de son prédécesseur et son " silence " durant la guerre, Jean-Paul II répondit : " On a déjà apporté les réponses suffisantes. Il faut lire le père Blet. "
La querelle rejaillit l'an dernier, après la publication du document de la commission du Saint-siège pour les relations avec le judaïsme, intitulé " Nous nous souvenons. Une réflexion sur la Shoah ". Le Comité international juif pour les consultations interreligieuses critiqua vivement l'allusion faite à l'action du sauvetage des Juifs opérée sur ordre de Pie XII. Le 2 novembre 1998, à l'issue d'une conférence de presse, l'ambassadeur d'Israël auprès du Saint-siège, Aharon Lopez, exprima un voeu insolite. Il demandait le renvoi à cinquante ans du procès de béatification de Pie XII et l'ouverture à tous les chercheurs des archives du Vatican pour la période de la guerre, ce que confirme aujourd'hui à Paris le Grand Rabbin de France, Joseph Sitruk. Le livre de John Cornwell surgit dans tout ce contexte. Et Jean-Paul II compte fermement gagner dans les mois à venir aussi bien Bagdad que Jérusalem.
Joseph Vandrisse
La presse européenne a publié de nombreux articles révélant le manque de rigueur historique de John Cornwell dans son livre "le Pape de Hitler" qui sortira dans les librairies américaine en octobre prochain. Le "Corriere della Sera" à Milan, le "Sunday Times", "Alfa y Omega" et "La Razón", en Espagne, "Le Figaro", etc. ont dénoncé le manque de professionnalisme de Cornwell.
Une déclaration de 11 pages écrite par le jésuite Peter Gumpel, ancien professeur à l'Université Grégorienne de Rome et relateur de la cause de béatification de Pie XII, a été publiée dans l'édition anglaise de ZENIT. Cette déclaration a été republiée en Norvège, aux États-Unis et en Australie. Aux États-Unis, différentes organisations sont en train d'analyser la possibilité de boycotter la maison d'édition qui va publier le livre de Cornwell. Le mensuel américain "Inside the Vatican" a préparé pour le mois d'octobre un dossier spécial de vingt pages dans lequel il démonte une par une les thèses du journaliste.
Un montage contre la papauté"Il s'agit d'une indignation légitime", a expliqué le Père Gumpel à ZENIT, "car Cornwell a fait un authentique montage contre Pie XII et contre la papauté en tant qu'institution".
Z : Mais Cornwell affirme que son livre est le fruit de mois de travail dans les archives de la Secrétairerie d'État. Il affirme par ailleurs qu'il a été le premier et le seul à consulter ces archives.
Gumpel : Tout cela est faux. La Secrétairerie d'État m'a confirmé directement que Cornwell fut autorisé en mai 1997 à consulter l'archive de la section sur les Relations avec les États. Il y travailla pendant environ trois semaines. Le thème de ses recherches était les relations avec la Bavière (1918-1921) et avec l'Autriche, la Serbie et Belgrade (1913-1915). Il n'a pas eu accès à la période après 1922. Cornwell a écrit qu'il a fait des recherches pendant plusieurs mois. Il a en réalité passé trois semaines à recueillir des informations qu'il n'a même pas utilisées par la suite. Michel Chappin, professeur d'Histoire de l'Église à la Grégorienne et archiviste de la Secrétairerie d'État, m'a expliqué par ailleurs que Cornwell n'est pas le premier à avoir consulté les archives de ces années-là, qui sont d'ailleurs bien antérieures à l'époque du pontificat de Pie XII. La fiche de Cornwell dans cet archive porte le numéro un car le format des permis d'accès vient d'être changé et il a reçu la première fiche de la nouvelle série !"
Z : "Vanity Fair" publie la photo d'un document de 1919 qui, selon Cornwell constitue une preuve de l'antisémitisme de Eugenio Pacelli, futur Pape Pie XII. Le journaliste dit qu'il s'agit d'un document inédit.
Gumpel : J'ai entre les mains la copie de l'original de ce document. Cornwell cite une ligne d'une lettre de six pages. Il n'y a rien contre les juifs dans ce document. La seule chose qu'il dit est que Levien (chef communiste de Munich) et son amie, étaient juifs. C'est une pure constatation. Ils étaient juifs comme ils auraient pu être chrétiens. Et tout le monde savait qu'à cette époque, la direction communiste était composée de juifs athées qui luttaient contre toutes les formes de religion, y compris celle des juifs. Présenter ce texte comme une preuve de l'antisémitisme de Pie XII me semble une déformation due à une analyse partiale et intéressée. Par ailleurs, le texte de cette lettre que Cornwell présente comme un texte exclusif découvert par lui, a déjà été publié en Italie, en 1992, dans un ouvrage écrit par Emma Fattorini "l'Allemagne et le Saint-Siège : la nonciature de Pacelli entre la Grande Guerre et la République de Weimar". Cornwell n'a rien découvert. Il a copié des documents déjà publiés, en les déformant.
Z : La thèse fondamentale de Cornwell est que le Pape Pie XII a soutenu le régime nazi.
Gumpel : Pie XII, comme nonce en Allemagne puis comme Secrétaire d'État et plus tard comme Pape, a toujours désigné Hitler et les nazis comme le plus grand danger pour l'Allemagne et pour le monde. Cornwell omet totalement la condamnation du nazisme que Pie XII fit à Lourdes, à Lisieux, à Paris, à Budapest où il fut délégué du Vatican. Lorsque Pacelli fut élu Pape, le "Berliner Morgenpost", organe proche au mouvement nazi, le considéra comme un ennemi de l'Allemagne. Son aversion pour le nazisme était si connue que l'hebdomadaire de l'Internationale communiste "La correspondance internationale" avait écrit qu'en appelant à la succession de celui qui avait fait preuve d'une résistance énergique contre les conceptions totalitaires fascistes qui tendent à éliminer l'Église catholique, le collaborateur le plus proche de Pie XI, les cardinaux avaient fait un geste éloquent, choisissant comme chef de l'Église un représentant du mouvement catholique de résistance. Sans parler de l'Encyclique qu'il écrivit contre le nazisme : "Mit brennender Sorge". Il suffit de lire les brouillons de l'Encyclique pour voir que Pacelli fut non seulement l'un des rédacteurs mais que le texte original a des passages rajoutés qu'il a écrits de sa propre main.
Cornwell ne publie pas les rapports que la Gestapo écrivait contre l'Église catholique et contre le Pape, pas plus qu'il ne tient compte de ce qu'écrivaient les journalistes américains, anglais, français et hollandais sur la résistance que Pie XII menait contre les nazis. Dans les archives récemment ouverts à la consultation par le Foreign Office, on voit que Pie XII était en contact avec les généraux allemands qui voulaient faire basculer Hitler. C'est Pie XII qui transmit à Londres la proposition des généraux allemands qui voulaient mettre fin au régime nazi.
Dans son analyse unilatérale, Cornwell n'a pas tenu compte non plus du témoignage de l'américain Robert Kempner, ancien procureur du Tribunal de Nuremberg contre les crimes de guerre. Kempner a révélé que Pie XII et l'Église catholique avaient envoyé une quantité énorme de lettres de protestation, directes ou indirectes, diplomatiques et publiques, secrètes ou explicites, auxquelles les nazis n'ont jamais répondu.
Z : Cornwell affirme que Pie XII est antisémite...
Gumpel : Les dirigeants les plus importants de la communauté et de l'État juif l'ont remercié publiquement pour tout ce qu'il avait fait pour protéger les persécutés. Je conseillerais à ceux qui ne me croient pas de lire le neuvième et le dixième volume des "Actes et Documents du Saint-Siège concernant la Deuxième Guerre Mondiale", où sont recueillis les témoignages des juifs sauvés de la persécution grâce à l'intervention du Pape Pacelli. Je crois qu'il n'y a pas au monde une personne ayant reçu plus de marques de reconnaissance de la part de la communauté juive que Pie XII.
Un Pape rétrograde ?Z : le livre de Cornwell décrit Pie XII comme l'expression d'une Église fermée, rétrograde, autoritaire...
Gumpel : peu de gens savent que Pie XII est le vrai promoteur du Concile Vatican II. C'est lui qui créa la Commission qui devait préparer les sessions du Concile mais la situation n'était pas encore favorable et Pacelli était déjà malade. Il suffit de lire les actes du Concile pour voir que Pie XII est l'auteur le plus cité après les Saintes Écritures. Dans ses encycliques et ses discours il a abordé tous les problèmes étudiés ensuite par le Concile Vatican II.ZF99092903
Le livre de John Cornwell, loin d'apporter du nouveau, repose sur des banalités, des sous-entendus et des documents sortis de leur contexte. Remise en cause historiographique par un expert.
Pie XII sera-t-il béatifié un jour, voire canonisé, comme Paul VI en a émis le voeu en 1964 ? Les responsables du dossier critique (postulateurs) de la congrégation compétente à Rome (congrégation des Causes des saints) ne sont en tout cas pas au bout de leurs peines dans le domaine de la consultation historique. John Cornwell, dans son livre pamphlet le Pape et Hitler (en anglais Hitler's Pope), apporte une pierre du genre : " Tu es Pacelli, et sur cette pierre je ne bâtirai pas la sainteté. " C'est dit en termes clairs. " Au terme de mon voyage à travers la vie et le temps de Pacelli, je suis convaincu, pour ma part, que le verdict est sans appel : de la somme des recherches se dégage l'image non pas d'une figure exemplaire de saint, mais d'un être humain pétri de défauts, " Vision désincarnée de la sainteté qui ne fait pas la différence entre perfection morale (ce qu'elle tend à être, mais n'est pas essentiellement) et ardeur spirituelle (ce qu'elle est).
Depuis 1963, année de la production du Vicaire, le procès en diabolisation de Pie XII n'a guère cessé d'être alimenté, le projet de béatification attisant la polémique. Au coeur de celle-ci, créée, il faut le dire, par la pièce spectaculaire de Rolf Hochhuth, une accusation à effets enchaînés : Pie XII a laissé s'opérer la déportation des Juifs, à Rome comme dans le reste de l'Europe ; cette indifférence refléta son antisémitisme ; de toute façon, aucune compassion n'était possible, aucune compréhension même, vu la germanolâtrie d'Eugenio Pacelli.
La boucle ainsi fermée, Paul VI entreprit de la desserrer en décidant, dès 1963, d'ouvrir les archives du Saint-Siège concernant la Seconde Guerre mondiale, et d'en confier la publication à une commission internationale d'historiens. Il en résulta douze volumes, édités de 1965 à 1981, sous la houlette de quatre jésuites d'une compétence scientifique reconnue par la communauté internationale - le père Blet étant le seul survivant de cette équipe.
Eût-il fallu faire plus, et ouvrir à tout chercheur les archives du pontificat de Pie XII ? Cette question, posée depuis quelques mois face à l'avancée du procès en béatification, revendique que soit vérifiée la validité scientifique des actes et documents édités. Elle n'a pas été soulevée à l'époque. On peut même dire qu'un dialogue de bonne foi se déroula, pendant une dizaine d'années, entre les mises au point du Saint-Siège et les historiens français et étrangers. Pour s'en tenir à la France, dès 1964, Jacques Nobécourt établissait la ligne de partage des eaux entre procès et histoire. L'historien lyonnais de confession judaïque François Delpech récusait, en 1973, la thèse du silence complice. Ces références, amplifiées par des voix belges, italiennes, anglosaxonnes, pesèrent lourd dans une balance dont on voit mieux aujourd'hui de quel poids d'alliage divers elle était chargée. Que s'agissait-il en effet d'apprécier ? La seule attitude de Pie XII vis-àvis du nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale ? La responsabilité de la papauté en général dans la génération d'un antisémitisme conduisant à la Shoah ? Où était le bras ? Où était l'esprit ?
John Cornwell entend prouver que Hitler a été engendré par Pacelli
L'ouvrage de John Cornwell entend apporter sur ces questions une réponse définitive : l'esprit, c'est Pacelli. Le bras, c'est Hitler. Comprenez, bonnes gens : Hitler a été engendré par Pacelli. Et l'acte de reconnaissance en paternité fut signé par le concordat du 20 juillet 1933, Hitler étant chancelier depuis le 30 janvier. La rencontre entre un patricien romain, " brillant diplomate " en questions d'Europe centrale et surtout allemandes, et un Bavarois autodidacte, parfait tacticien de l'Etat autoritaire et très hérissé sur le poids du catholicisme, était inévitable. Plus on (Pacelli) donnait à l'autorité, plus celle-ci fortifierait une papauté affaiblie après la prise de Rome (1870) et les échecs de Pie X et Benoît XV dans leurs efforts pour empêcher ou arrêter la Première Guerre mondiale.
L'affaire narrative est donc conduite par Cornwell selon un procédé déjà très éprouvé : rappeler des banalités - les biographies de Pacellî-Pie XII dépassent la centaine -, les placer en fond de casserole avec quelques piments " vie secrète ". La vie secrète d'Eugenio Pacelli, entré en diplomatie romaine à 25 ans, en 1901, deux ans seulement après son ordination, se résume à des protections admirées, des connivences émouvantes, avec en prime certaines amitiés particulières et des grâces féminines trop proches. " Cardinal favori " de Pie XI, pour finir.
Pacelli travaillait à un concordat avec Berlin bien avant l'arrivée de Hitler
On l'aura compris, ces allusions ne sont destinées qu'à faire comprendre qu'Eugenio Pacelli a fait la politique extérieure du Saint-Siège, de 1917 (nonciature à Munich) jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, La démonstration consiste à réunir, par l'investigation partielle, des documents dont la fonction est détachée de tout contexte dans l'histoire de l'Eglise et du pontificat. Il convient tout de même de rappeler qu'Eugenio Pacelli fut au service de trois papes, qui ne laissaient pas à leurs employés ou collaborateurs le choix de leurs orientations : Pie X (1902-1914) ; Benoît XV (1911-1922) -, Pie XI (1922-1939). A en croire John Comwell, Eugenio Pacelli domine la scène internationale dès 1901 - les dernières années de Léon XIII, mort en 1903...
Grande est l'erreur de certifier qu'une pratique diplomatique d'une souveraineté (le pape), discutée et admirée dans sa fonction d'arbitre des conflits mineurs, débouchait nécessairement sur une connivence entre un régime totalitaire et une volonté d'autorité romaine ; et encore plus grande est l'erreur de vouloir faire croire qu'un Italien-Romain comme Pacelli préférait l'autorité païenne de Hitler au paganisme métissé de catholicisme de Mussolini. Concordat, tout est là : accord, à géométrie variable, inscrit dans un échange juridique, signé entre le Saint-Siège et un Etat pour régler des intérêts réciproques.
L'erreur du travail de Comwell consiste à postuler que Pacelli ne pouvait faire signer par Pie XI un concordat avec Hitler que dans la mesure où l'accord affermissait l'autorité romaine, même envers les catholiques. Jugement brutal, refusé par nombre d'historiens qui ont établi que Pacelli, de 1920 à 1933, avait instamment recherché les moyens d'une unité des catholiques dans un ensemble territorial où ils étaient dispersés, de la Bavière à la Prusse. Diplomate, Pacelli ? Certes. Inspirateur de Pie XI ? Oui : c'est Eugenio Pacelli, secrétaire d'Etat depuis 1930, qui inspira à Pie XI l'encyclique Mit brennender Sorge (21 mars 1937) en refus du national-socialisme, rédigée en grande partie par le père Leiber, un jésuite, dont il est fait dans l'ouvrage un lamentable portrait.
La Seconde Guerre mondiale fut une épreuve morale et spirituelle pour Pie XII
Eugenio Pacelli, devenu le pape Pie XII, fut-il l'expression d'un antisémitisme sur lequel la papauté a établi son fonds de commerce ? Le livre de John Cornwell s'enroule comme une couleuvre autour de cet argument : Pacelli-Wojtyla, deux papes à plus de quarante ans de distance, rivés sur un même centralisme romain, dont les Juif-, font les frais -jusqu'au combat de la Mémoire (le carmel d'Auschwitz, Edith Stein). L'Histoire n'apporte cependant pas les preuves que la destruction du judaïsme a été favorisée par le Saint-Siège. Au contraire, la Seconde Guerre mondiale fut une épreuve morale et spirituelle pour Pacelli-Pie XII, comme elle le fut pour Karoi Wojtyla. Faut-il rappeler que l'action de Pie XII en faveur des Juifs a été saluée, dès le lendemain de la guerre, par le grand rabbin de Rome ou Golda Meir ? Le cri qu'aurait dû pousser le pape fait partie du paradoxe de la foi en son pouvoir, et de la dénonciation de son autorité.
Par Philippe Levillain
Professeur d'histoire comtemporaine à Paris X-Nanterre, membre de l'institut universitaire de France, directeur du Dictionnaire historique de la papauté (Fayard, 1994).
Un nouveau livre vient de sortir, à grands renforts médiatiques, qui attaque violemment Pie XII présenté comme antisémite. Le but de ce livre est cependant tout autant d'attaquer la papauté moderne.Le pape et Hitler (1), tel est le titre du dernier brûlot contre Pie XII. Son auteur ? John Cornwell, journaliste britannique connu pour avoir publié en 1989 Enquête sur la mort de Jean-Paul 1er, livre peu sérieux qui s'en prenait déjà à l'entourage du pape ! Dans sa préface, Cornwell voudrait nous faire croire qu'il s'est lancé dans son enquête sur Pie XII pour le défendre des calomnies qui pèsent sur lui à propos de son attitude durant le dernier conflit mondial. Quelle n'a donc pas été sa surprise de découvrir que loin de disculper le pape, ses recherches étayaient les accusations. Compte tenu du profil de l'auteur, la chose est assez peu crédible (2). C'est, au reste, tout le livre qui est d'emblée disqualifié par ce qu'il prétend être : une " histoire secrète " - qui suggère que la vérité se cache dans le non-dit - qui s'appuierait sur des documents inédits. Or, c'est faux, car les archives du Vatican jusqu'en 1922, dont on nous laisse croire que Cornwell aurait été le premier à les exploiter, sont libres d'accès depuis 1986. Pour donner un air sulfureux et accrocheur à l'ouvrage, la publicité de l'éditeur destinée aux journalistes insiste sans complexes sur ces documents " inédits " dont il ressort que " Pie XII y apparaît comme un homme profondément antisémite et un adversaire acharné du communisme.
Dans cette enquête, poursuit le texte de présentation de l'éditeur, John Cornwell démontre que, dès l'époque de sa nonciature en Allemagne, le futur pape fut le complice du régime nazi ". Autrement dit, dès 1917 - Mgr Pacelli fut nonce à Munich de 1917 à 1920, et à Berlin de 1920 à 1930 -, il fut le complice d'un régime qui n'est parvenu au pouvoir qu'en 1933 ! Cette simple petite incohérence - le livre en fourmille de façon invraisemblable (3) -, donne une idée du ton de l'ouvrage et de sa crédibilité historique. Pourquoi, alors un tel battage autour d'un si médiocre livre qui a la particularité assez rare de sortir simultanément aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne et en France ? Preuve d'une volonté concertée de donner à ce travail un large impact international.
C'est qu'en réalité, le livre a un double but qui dépasse une simple analyse historique. Il s'agit avant tout d'une thèse, qui utilise l'histoire en la manipulant, pour dénoncer ce que Cornwell nomme à plusieurs reprises " l'idéologie moderne de la primauté du pape… invention de la fin du XIXe et de l'aube du XXe siècle " (p. 15 et tout au long du chapitre 21). Dès lors, Pie XII est presque un prétexte commode, car il est pour Cornwell l'archétype de l'autocrate solitaire et centralisateur à la tête d'une Eglise citadelle coupée du monde.
Le schéma est donc simple : attaquer et salir Pie XII, c'est ébranler l'édifice d'une papauté, accusée de concentrer indûment tous les pouvoirs. Si Pie XII a été l'ignoble personnage que prétend Cornwell, c'est parce qu'il ne pouvait pas être autre chose dans un système aussi pervers. On voit là au passage une analyse qui pourrait être marxiste - la structure détermine l'homme - et qui se retrouve tout au long du livre (4). Toute l'histoire récente de l'Eglise est analysée selon une grille binaire " bons-méchants " : bons modernistes contre méchants intégristes, bons progressistes contre méchants traditionalistes, etc. Cette grille se retrouve au plan politique. Hitler, Mussolini, Franco et Salazar, sans distinction, représentent les " régimes de droite les plus pervers du siècle " auprès desquels, évidemment, " l'Eglise s'était rangée " (p. 9), tandis que l'anticommunisme est ridiculisé et Staline jamais une seule fois nommé de façon négative. Ce qui est donc fondamentalement en cause, c'est le pouvoir pontifical tel qu'il s'exerce depuis Pie IX et le concile Vatican I (1870).
Pour Cornwell, cette période marque un changement radical dans la conception de la papauté. Avec la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale, s'opère une concentration de tous les pouvoirs dans les mains du pape, sans concertation prévue ni contre-pouvoir. Et le moyen de cette domination est le Code de Droit canonique de 1917 voulu par saint Pie X et auquel Cornwell attache une importance exorbitante, puisqu'il serait à l'origine de l'effacement du concept d'Eglise nationale. Le concile Vatican II, cependant, a voulu changer tout cela en instaurant la collégialité. Pas pour longtemps, selon Cornwell, qui date le début de la réaction en 1968 avec l'encyclique Humanæ vitæ. Depuis, la situation n'a cessé de s'aggraver au point que le pape Jean-Paul II est à certains égards pire que Pie XII, puisqu'il " s'est affirmé comme un autocrate traditionaliste plus despotique encore que Pacelli dans sa manière de gérer l'Eglise " (p. 455). On reste confondu devant une incompréhension aussi abyssale de ce que sont l'Eglise, son histoire, sa doctrine et son fonctionnement (alors que Cornwell est présenté comme un journaliste d'investigation " catholique "). Il oppose deux visions de l'Eglise, celle qui avant Pie IX apparaît idyllique, et celle d'après qui est devenue une dictature. Mais nulle part il ne développe ce qu'était concrètement selon lui l'Eglise d'avant Pie IX, comment elle fonctionnait et la place qu'y occupait le pape.
A le lire, on croirait que les pouvoirs du pape ont soudainement été proclamés en même temps que son infaillibilité en 1870 et que tous les maux en découleraient. C'est une incohérence assez comique, lorsque l'on sait que les amis progressistes de Cornwell ont l'habitude de présenter le passé de l'Eglise d'avant Vatican II (et aussi d'avant Pie IX) comme celui d'un temps d'obscurantisme et de barbarie, les mots d'inquisition ou de croisade revenant toujours et toujours comme une marque d'infamie indélébile ! Avec Cornwell, c'est un passé indéterminé mais curieusement idéalisé qui est utilisé à charge contre la papauté moderne ! Sa vision de l'Eglise dénote une totale méconnaissance de ce que sont la Tradition, le développement homogène du Magistère, ses différents degrès d'autorité, comme si le dogme de l'infaillibilité pontificale - dont Cornwell a une compréhension d'une telle puérilité qu'elle en devient comique (5) - avait été une soudaine lubie d'un pape. Cornwell oppose systématiquement collégialité et infaillibilité sans comprendre que ce sont deux notions parfaitement complémentaires. Il est vrai que sa définition de la collégialité la rend incompatible avec l'essence même de l'Eglise : elle est chez lui synonyme de démocratie, comme si l'Eglise allait après Vatican II instaurer un parlement pour la gouverner; elle signifie également pour lui que le choix des évêques ne doit pas être l'apanage du pape, mais doit s'effectuer localement, démocratiquement. Tout cela est vraiment lamentable et ne devrait même pas mériter que l'on s'y arrête une seconde, tant l'argumentation est nulle, incohérente, et tant l'auteur montre d'incompétence historique et plus encore doctrinale. Bref, un livre à vite oublier et qui aurait dû rester dans le néant.
(1) Albin Michel, 1999, 494 pages, 150 F. Le titre anglais du livre est Hitler's pope et devait être normalement traduit par Le pape de Hitler, titre initialement retenu puisque l'en-tête de l'un des chapitres des épreuves en porte la marque et que c'est d'ailleurs ainsi que la presse a commencé à présenter l'ouvrage avant publication. L'éditeur a sans doute dû reculer face à la provocation opérée par un tel titre, la photo de couverture étant à elle seule assez ignoble.
(2) Il est remarquable que dans le livre l'éditeur ne présente nulle part l'auteur comme c'est l'habitude et ne donne aucune référence de ses précédents ouvrages.
(3) Par exemple, Cornwell accuse Mgr Pacelli d'être indirectement responsable du déclenchement de la Première Guerre mondiale, en raison de sa participation à l'élaboration du Concordat serbe qui contribua à augmenter la tension dans les Balkans ! Pas moins. Mais Mgr Pacelli, d'abord décrit comme favorable à l'œcuménisme avec les orthodoxes serbes, devient plus loin un homme viscéralement hostile à tout œcuménisme. Et tout est à l'avenant !…
(4) Sa vision de la spiritualité de sainte Thérèse de Lisieux est particulièrement révélatrice d'une réelle - et peut-être inconsciente ? - imprégnation marxiste. Cornwell reproche à Mgr Pacelli d'avoir inauguré la basilique de Lisieux en 1937, car " cet acte avalisait une forme de spiritualité qui préférait l'intériorité à l'esprit communautaire, la soumission à l'action sociale, le silence à la parole, l'accomplissement dans l'autre monde et non dans le nôtre " (p. 219).
(5) Pour Cornwell, le pape est " prompt à invoquer un mécanisme infaillible quand ça l'arrange " (p. 463).
Christophe Geffroy
Le RP Blet est jésuite, correspondant de l'Institut et professeur d'histoire moderne à l'Université pontificale grégorienne. Il a collaboré à la demande de Paul VI à la publication de 1965 à 1982 des douze volumes des Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale (Librairie vaticane), véritable source de référence sur cette question. Il en a tiré un livre grand public intitulé Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d'après les archives du Vatican. Le père Blet est donc un spécialiste incontesté de la papauté durant la Seconde Guerre mondiale. Il montre ici combien le livre de Cornwell n'a aucune crédibilité historique.
La Nef - L'éditeur annonce que " le livre de Cornwell est exceptionnel, car il se fonde sur des documents inédits " : qu'en est-il exactement ?
RP Pierre Blet - En réalité il n'y a quasiment rien de nouveau dans ce livre. L'auteur a eu accès à des archives de la Secrétairerie d'Etat du Vatican, comme n'importe quel chercheur qualifié aurait pu le faire. Ces archives concernent surtout la période durant laquelle Mgr Pacelli était nonce en Allemagne, archives auxquelles j'avais eu moi-même accès lorsque j'avais écrit une très sommaire biographie de Pie XII en son honneur. De ces documents, Cornwell n'a extrait que deux épisodes qui ont été montés en épingle.
Le premier se situe à Munich à l'automne 1917. Cornwell reproche à Mgr Pacelli, qui vient d'être nommé nonce, de n'être pas intervenu pour faire parvenir des feuilles de palmier, bloquées en Italie à cause de la guerre, à la communauté juive allemande qui en avait besoin pour célébrer la fête des Tabernacles (cf. pp. 93-94). Conclure de cela à l'antisémitisme de Mgr Pacelli est franchement ridicule, un nonce n'a pas à s'occuper d'affaires de ce genre.
Le second se passe encore à Munich en 1918 au moment de la tentative de révolution bolchevique. Cornwell cite une lettre qui évoque un révolutionnaire russe et juif ainsi décrit : " Pâle, sale, les yeux tirés, vulgaire, répugnant, avec un visage tout à la fois intelligent et sournois " (p. 99). Ce bolchevique n'aurait pas été juif que la description eût été la même. De plus, ce texte n'a même pas été écrit par Mgr Pacelli, ce que Cornwell reconnaît puisqu'il dit qu'il l'a annoté par endroits. On ne voit donc vraiment pas en quoi ce document présente un quelconque intérêt qui mérite une publicité particulière, ni en quoi il prouverait l'antisémitisme de son auteur.
Enfin, Cornwell a eu accès à certains documents du dossier de béatification concernant des aspects plus personnels du pape : son enfance, sa famille, sœur Pasqualina, etc. Là encore, rien de très original.
L'annonce d'un " livre exceptionnel " parce qu'il se fonderait sur des " documents inédits " est donc une vaste supercherie qu'il convient de dénoncer.
- En somme vous mettez en cause le sérieux et la crédibilité du travail d'historien de Cornwell ?
- C'est évident. A côté de citations de quelques documents inédits, il ignore des documents édités essentiels. Il utilise peu les douze volumes des Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale - ne serait-ce que pour les critiquer. Il n'a tenu aucun compte du second tome, c'est-à-dire des lettres de Pie XII aux évêques allemands entre 1939 et 1945 qui montrent les cruelles interrogations du pape sur la meilleure façon d'agir, sur le fait de parler fort ou non, etc. Une condamnation du régime, notamment, aurait fait considérer les catholiques allemands comme des ennemis intérieurs déclarés. Ne citant jamais ces lettres, Cornwell a beau jeu ensuite de critiquer l'isolement d'un pape qui ne prenait jamais conseil ! Il ne cite pas plus les échanges de notes entre la Secrétairerie d'Etat et l'ambassade d'Allemagne, source capitale pour l'étude de Pacelli Secrétaire d'Etat.
Enfin, il lui arrive de faire dire aux documents le contraire de la réalité : à l'occasion de la rafle des Juifs de Rome en octobre 1943, il rapporte que c'est l'ambassadeur d'Allemagne auprès du Saint-Siège, Weizsäcker, qui, craignant une réaction violente du peuple italien, aurait demandé à Maglione de pousser Pie XII à émettre une protestation (cf. pp. 382-383). C'est évidemment l'inverse qui s'est produit en réalité.
- A propos de vos douze volumes d'Actes et Documents, Cornwell se demande si le Vatican n'a pas alors " dissimulé des documents accusateurs " (p. 470), accusation extrêmement grave qui met en cause l'honnêteté de votre travail d'équipe : que pouvez-vous répondre à cette accusation ?
- Qu'il le prouve, ce qu'il est incapable de faire ! Qu'apporte-t-il en effet comme élément pour étayer son accusation ? Le fait que nous n'ayons pas publié un mémoire que le pasteur Riegner avait remis le 18 mars 1942 au nonce à Berne, afin qu'il le transmît au Vatican. Mais si nous avions voulu dissimuler ce texte, nous n'aurions pas publié la lettre du nonce de Berne avec une note indiquant le contenu du mémoire. Un historien ne nous aurait pas accusés d'avoir voulu cacher un document dont nous donnions la référence !
- Cornwell évoque l'encyclique " perdue " qui devait condamner le racisme et l'antisémitisme…
- Là encore, l'histoire n'est pas celle que raconte Cornwell. Soit dit en passant, nous avons d'ailleurs été les premiers à parler de ce projet d'encyclique sur le racisme dans le second tome des Actes et Documents. A l'été 1938, Pie XI demande au jésuite américain John LaFarge de lui préparer une encyclique contre le racisme. Or, ce dernier connaît plus particulièrement le problème du racisme aux Etats-Unis, ce qui montre que l'encyclique n'avait pas pour vocation première de traiter de l'antisémitisme en Allemagne. Aidé de deux autres jésuites, LaFarge a élaboré un texte qui a été transmis au général des jésuites puis à la Civilta cattolica pour examen. Cela a été assez long, le texte était loin d'être satisfaisant. Il a été finalement transmis à Pie XI en février 1939 et les choses en sont restées là. Il y a dans les archives du Vatican nombre de brouillons d'encycliques qui ne voient jamais le jour. Il n'y a rien d'étonnant à cela.
Cornwell reproche à Pie XII de ne pas l'avoir publiée. Mais encore une fois, ce n'était qu'un brouillon et le pape ne pouvait publier comme première encyclique un texte centré sur un problème aussi particulier que le racisme, fût-il particulièrement grave. La première encyclique d'un pape est un texte important qui donne en quelque sorte la tonalité du pontificat et qui ne peut donc que porter sur des sujets généraux. Au reste, Cornwell ne cite pas dans cette affaire un document important de 1939 que nous avons publié dans le deuxième volume des Actes et Documents et qui fait état d'une longue discussion sur l'attitude à avoir à l'égard d'Hitler.
- L'affaire du concordat avec l'Allemagne en 1933 tient une grande place dans le dossier d'accusation de Cornwell. Pourquoi avoir signé ce concordat et a-t-il contribué à neutraliser la résistance des catholiques allemands à Hitler ?
- Le dernier aspect de votre question demeure controversé entre historiens allemands. Néanmoins, Cornwell oublie un point important : à le lire, c'est Mgr Pacelli et lui seul qui a été responsable de la signature de ce concordat; mais le secrétaire d'Etat agit sous les ordres et la responsabilité du pape.
Le responsable du concordat est Pie XI, non Mgr Pacelli. Ce concordat, cependant, n'est pas l'horrible compromission qu'imagine Cornwell. Pourquoi en effet l'avoir accepté ? Le Saint-Siège ne pouvait pas refuser car Hitler offrait des garanties importantes à l'Eglise catholique, notamment en matière d'école. S'il avait refusé, cela serait apparu comme une déclaration de guerre au régime et, surtout, cela aurait semblé abandonner les catholiques allemands en leur ôtant toute protection institutionnelle. Quelle eût été la réaction des catholiques privés de protections légales par le refus du pape ?
Mais cette affaire montre une des plus graves insuffisances du travail de Cornwell : l'anachronisme permanent par oubli volontaire du contexte. Cornwell écrit toute son histoire de Pie XII, comme si le nazisme avait été connu dès le début tel que nous le connaissons aujourd'hui, comme si les camps d'extermination et l'abominable logique de la Solution finale étaient évidents avant 1945. Mais en 1933, la perception du régime nazi n'était pas du tout la même que celle que nous en avons aujourd'hui, et personne n'avait deviné l'horreur qui allait survenir des années plus tard.
- L'aspect le plus ignoble du livre est l'accusation sur l'antisémitisme personnel de Pie XII. Que répondre à cela ?
- On l'a déjà vu, Cornwell ne s'appuie sur rien, ne prouve rien. Si Pie XII avait été antisémite, pourquoi aurait-il aidé les Juifs ?
- Précisément, pourriez-vous nous dire ce que Pie XII a concrètement fait pour les Juifs ?
- Nous l'avons longuement développé dans les volumes 6, 8, 9 et 10 des Actes et Documents.
Concrètement, la chose la plus efficace a été l'intense activité diplomatique en faveur des victimes de la guerre et des Juifs en particulier. J'ai dans mon livre (1) trois chapitres qui détaillent les interventions des nonces, d'abord en Allemagne pour faciliter l'émigration des Juifs, puis en Slovaquie, en Roumanie, en Croatie et en Hongrie, pour essayer de s'opposer aux déportations. Je souligne que cette aide aux Juifs avait commencé dès avant la guerre à l'occasion des expulsions massives en Allemagne car, ne l'oublions pas, peu de pays se pressaient pour accueillir ces réfugiés.
Pour les Etats-Unis, il y avait deux ans d'attente ! Dans l'affaire de la rançon en or exigée par la police allemande aux Juifs de Rome, ceux-ci avaient réuni 35 kg sur les 50 demandés. Le grand rabbin se tourna vers Pie XII qui donna l'ordre de trouver les 15 kg manquants, ce qui n'a finalement pas été nécessaire.
Le pape a également levé la clôture des maisons religieuses - qui était très sévère à l'époque - pour qu'elles puissent accueillir des Juifs persécutés. Les nombreux remerciements de Juifs pendant et après la guerre sont finalement la meilleure preuve de l'action de Pie XII en leur faveur. Outre quelques personnalités comme Golda Meir, il faut lire les témoignages de rabbins, d'associations juives ou de groupes de visiteurs à Rome rapportés par L'Osservatore Romano. Je voudrais revenir sur un point. Si Pie XII avait été " le pape de Hitler " et pro-nazi comme le suggère Cornwell, pourquoi aurait-il autorisé les catholiques américains à ne pas s'opposer à une aide des Etats-Unis à l'URSS en guerre contre l'Allemagne ? Pourquoi aurait-il passé aux Anglais des informations sur un projet de résistance allemande pour éliminer Hitler ?
- Cornwell reprend à son compte l'habituelle rengaine sur le " silence " de Pie XII face au drame de la Shoah !
- Cette campagne remonte à 1963 avec la fameuse pièce Le Vicaire. Mais là encore, Cornwell raisonne comme si le génocide était parfaitement connu en 1942. Certes, des massacres et déportations étaient connus, mais les informations, souvent orientées par la propagande de guerre, n'étaient pas toujours très fiables. Souvenez-vous de ce que l'on disait des soldats allemands qui coupaient les bras des enfants en 14-18 ! Et pourquoi reprocher au seul Pie XII de n'avoir pas dénoncé la Shoah en tant que telle quand ni Roosevelt, ni Churchill, ni Staline, beaucoup mieux informés ne l'ont fait pendant la guerre ?
De plus le pape n'avait pas la liberté de parole des chefs d'Etat cités. L'Italie était occupée par l'Allemagne et toute parole du pape pouvait avoir des conséquences dramatiques et pour les catholiques et pour les Juifs des pays occupés par les nazis.
Pie XII est-il resté cependant silencieux comme on l'en accuse ? Non ! Il y a eu le radio-message de Noël 1942, que Cornwell cite d'ailleurs pour s'en moquer parce qu'il le juge aujourd'hui trop mou. Mais la police allemande, elle, ne s'y était pas trompée puisqu'elle avait taxé " le pape de porte-parole des Juifs ennemis de l'Etat ".
Quoique Cornwell dise, ce ne fut pas la seule protestation. Il y a eu une autre dénonciation dont on parle moins - et nulle part citée par Cornwell -, c'est l'allocution au Sacré Collège du 2 juin 1943, dans laquelle Pie XII est l'un des premiers à parler de " mesures d'extermination " (p. 129 des Documents pontificaux, Editions Saint-Augustin). Il explique dans cette allocution pourquoi il ne peut parler plus fort, dans l'intérêt même des victimes qu'il essaye d'aider (ibid. p. 130).
- Un dernier mot ?
- Ce livre attaque autant l'Eglise elle-même et la papauté que la personne même de Pie XII. C'est le pouvoir pontifical qui est visé, ce qui donne un livre disparate qui sous le titre d'" histoire secrète " commence par attaquer Pie IX et finit par s'en prendre à Jean-Paul II.
(1) Pierre Blet, s.j. : Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d'après les archives du Vatican, Perrin, 1997, 340 pages, 139 F. Livre remarquable qui répond clairement aux faux arguments de Cornwell.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
Un anglais accuse : "Ce pape fut un pion dans le jeu de Hitler"Voici un livre qui suscite déjà une vive polémique. Son auteur, John Cornwell, est un journaliste d'investigation anglais. Ayant étudié ce qu'il appelle "l'histoire secrète de Pie XII", l'auteur ne voit que des raisons de flétrir celui qui fut élu pape en 1939: en 1933, en signant un concordat avec Berlin, Mgr Pacelli aurait abandonné les catholiques allemands à Hitler; pendant la guerre, son antisémitisme l'aurait rendu indifférent aux persécutions subies par les Juifs et l'aurait poussé au silence devant la Solution finale. Ces accusations, maintes fois démenties par les chercheurs, ne sont pas neuves. Depuis le Vicaire, la pièce de Rolf Hochhuth (1963), elles resurgissent périodiquement Est-il innocent qu'elles soient relancées alors que, à Rome, la procédure de béatification de Pie XII est très avancée? L'ouvrage de Cornwell contient par ailleurs un violent réquisitoire contre la papauté. Est-ce un hasard encore si cet ouvrage paraît en même temps aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et en France, au moment où certains aimeraient que le futur pape ne ressemble pas à Jean-Paul Il, qualifié par Cornwell " d'autocrate traditionaliste plus despotique encore que Pacelli " ? Nous présentons ici les éléments les plus provocants de la thèse de Cornwell et donnons la parole à des historiens qui examinent les faits.
Dans la préface de son livre, John Cornwell explique son dessein. Connaissant comme tout le monde la controverse sur Pie XII, née avec le Vicaire (1963). la pièce où Rolf Hochhuth brossait du pape le portrait d'un " cynique impitoyable, qui portait plus d'intérêt au portefeuille d'actions du Vatican qu'au sort des juifs ", il voulut reprendre cette question pour établir la vérité. Mais le sujet était à étudier dans sa totalité : " J'étais convaincu que, si l'on racontait toute l'histoire, le pontificat de Pie XII et l'Eglise catholique seraient disculpés. " A Rome, Cornwell a donc demandé l'autorisation de consulter des documents, rassurant les archivistes, précise-t-il, en leur racontant que "j'étais du côté de mon sujet ". Finissant son travail, il se déclare " en état de choc ", " En suivant la carrière de Pacelli depuis le début du siècle, ma recherche retraçait l'histoire d'une lutte pour le pouvoir sans précédent qui, en 1933, avait conduit l'Eglise catholique à se rendre complice des forces les plus sinistres son temps. " Accusation première : " Dès le début de sa carrière, Pacelli avait fait montre d'une indéniable antipathie à l'égard des Juifs. " Noce à Munich puis à Berlin de 1917 à 1930, date à laquelle il devient secrétaire d'Etat du pape Pie XI, Eugenio Pacelli est coupable, estime Cornwell " Sa diplomatie, dans l'Allemagne des années 1930, avait consisté à démanteler, voire à trahir les associations politiques catholiques qui auraient pu défier le régime hitlérien et faire échec à solution finale. "
Il faut remonter à 1917, selon Cornwel pour comprendre ce mécanisme. Cette année l'Eglise promulgue un nouveau Code de droit canon. En sa qualité de nonce, Eugenio Pacelli est chargé de le faire appliquer. C'est là que tout commence, puisque le centralisme romain, accuse Cornwell, va être fatal aux catholiques allemands. Car à la fin des années 1920, Pacelli s'engage dans des négociations pour conclure un concordat entre l'Eglise et l'Etat allemand. " Son désir de un accord avec le Reich, écrit Cornwell, suscita de nombreuses résistances, notamment de la part des dirigeants protestants, mais aussi des catholiques qui jugeaient sa vision de l'Eglise trop autoritaire pour être acceptable. "
Mais les négociations durent en longueur. En janvier 1933, Adolf Hitler accède au pouvoir. D'après Cornwell, le dictateur va constituer pour Mgr Pacelli " un partenaire ". Signé en 1933, le concordat a permis à la papauté " d'imposer sa loi aux catholiques allemands ". En échange de " généreux privilèges " pour les écoles libres et le clergé, l'Eglise d'Allemagne et le parti catholique, avec leurs centaines d'associations et de journaux, " s'abstinrent volontairement à l'initiative de Pacelli, de toute action politique sociale ". Le journaliste britannique voit donc un tournant de l'histoire dans ce concordat dont les conséquences ont, selon lui, été désastreuses : " Négociée et imposée du Vatican par Pacelli avec le consentement de Pie XI, l'abdication volontaire du catholicisme politique allemand permit au nazisme de prendre son essor, sans rencontrer aucune opposition dans la communauté catholique la plus puissante du monde. " Pourtant, affirme Cornwell, l'histoire allemande enseigne un autre exemple, celui de la résistance matérielle et morale d'une communauté spirituelle à l'égard de la pression de l'Etat : soixante ans plus tôt, les catholiques avaient battu en brèche le Kulturkampf de Bismarck, ses persécutions contre l'Eglise. Conclusion de John Cornwell : " Ainsi que Hitler lui-même s'en vanta le 14 juillet 1933, lors d'une réunion de son cabinet, cette garantie de non-intervention donnée par Pacelli laissait le régime libre de résoudre la question juive. Hitler, rapportent les minutes, a " exprimé l'opinion qu'on doit seulement le considérer comme une grande réussite, Le concordat a donné une chance à l'Allemagne et a créé une zone de confiance particulièrement importante dans la lutte qui s'organise contre la juiverie internationale. " Le concordat de 1933 enclencha donc une logique terrible : ce fut, écrit Cornwell, " l'aval donné par la papauté au nazisme ", et le sort de l'Europe en a été scellé.
En 1937, Pie XI signe l'encyclique Mit brennender Sorge (" Avec une brûlante inquiétude "). Paru en allemand, ce document condamne explicitement la politique du Reich à l'égard de l'Eglise. La première mouture fut l'oeuvre du cardinal-archèvêque de Munich, Mgr Faulhaber, et fut remise à Mgr Pacelli. Lequel apporta des corrections au texte, notamment en ce qui concerne l'histoire du concordat, John Cornwell ne peut nier le rôle du futur Pie XII dans cette affaire : " Il faut louer Pacelli pour sa collaboration à la rédaction de cette encyclique et à sa diffusion difficile en AIlemagne. "" L'encyclique contre le nazisme ne cite pas nommément Hitler "
Mais cette reconnaissance n'est pas une sentence d'acquittement. " Ce document arrivait bien tard, déplore Cornwell, et il s'abstenait de condamner nommément le national-socialisme et AdolfHitler. " Chef d'accusation supplémentaire : " L'encyclique ne comportait pas de condamnation explicite de l'antisémitisme, pas même à propos des juifs convertis. " Plus grave encore, analyse Cornwell: cette condamnation du nazisme vit sa portée diminuée, car, cinq jours plus tard, Pie XI publiait une autre encyclique, Divini redemptotis, qui portait, elle, une condamnation du communisme, condamnation que le Britannique juge " encore plus véhémente ".
En 1942, lors de la conférence de Wannsee, les nazis décrètent la Solution finale. Sur la tragédie qui commence, Pie XII dispose d'" informations sûres ", affirme Cornwell. Quelle est sa réaction ? " Prendre son temps. " Les Alliés et les organisations juives le pressent pourtant d'intervenir. Ce " silence angoissé " dure jusqu'à Noël, où le pape prononce un discours à la radio. Ce message de Noël 1942 contient un long développement sur la doctrine sociale de l'Eglise." Le silence devant l'Holocauste, fruit de la culture catholique "
Il aborde ensuite la question de la guerre, son cortège d'atrocités. Suit la phrase controversée, allusion aux " centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, parfois seulement en raison de leur nationalité ou de leur race, sont vouées à la mort ou à la disparition ". " Il n'irait pas plus loin dans sa dénonciation publique de la Solution finale, à un moment, estime Cornwell où une prise de position claire aurait pu faire la différence. "
Après la guerre, on interpréta la formule de Pie XII comme une dénonciation de l'extermination des Juifs par les nazis. John Cornwell n'est pas d'accord : " Ce n'est pas seulement une piètre déclaration. L'abîme existant entre l'énormité des atrocités liées à la suppression du peuple juif et ces paroles évasives est choquant. Il pouvait faire allusion à de multiples catégories de victimes parmi les nombreux belligérants. A l'évidence, l'emploi d'un langage ambigu était destiné à calmer ceux qui le pressaient de réagir, tout en évitant d'offenser le régime nazi. " Une déclaration qui déclarait si peu, c'est une " banalisation implicite ", juge Cornwell. " Nulle part, poursuit-il. n'étaient mentionnés les termes 'nazi' ou 'Allemagne nazie'. Hitler lui-même n'aurait pas pu souhaiter une réaction plus contournée et inoffensive de la part du vicaire du Christ, face au plus grand crime de l'histoire humaine, "
Qu'est-ce qui est ici en cause ? C'est bien plus que Mgr Pacelli lui-même. Pour Cornwell, le " silence" de Pie XII résulte de toute une mentalité antisémite dans laquelle baigne l'Eglise : " L'incapacité de Pacelli à réagir devant l'énormité de l'Holocauste fut plus qu'un échec personnel, ce fut l'échec de la fonction papale elle-même et de la culture catholique dominante. " Et souscrire à l'analyse de Günter Lewy, parue février 1964 dans Commentary : " On est enclin à conclure que le pape et ses conseillers (…) ne considèrent pas le calvaire des Juifs avec réel sens d'urgence et d'indignation morale (…) Il n'est pas possible de trouver la documenta nécessaire pour justifier cette affirmation, mais c'est une conclusion qu'il est difficile d'éviter. "
Antisémite, Mgr Pacelli ? Oui, selon Cornwell il "fit montre d'une secrète antipathie à la fois religieuse et raciste envers les Juifs, perceptible chez lui dès l'âge de 43 ans, alors qu'il était à Munich ". Ultérieurement, il affirmera pourtant respecter les Juifs, et soutiendra que ses silences pendant la guerre avaient été tactiques. Hypocrisie affirme Cornwell, en récapitulant ses accusations.
A partir de la révolution communiste de 191 " Pacelli et les services dont il était responsable appliquèrent une politique hostile envers les Juifs fondée sur la conviction qu'il existait un lien entre le judaïsme et la conspiration bolchevique contre la chrétienté ". Dans les années 30, Mgr Pacelli condamne sans doute de manière officielle l'idéologie raciste, mais il " omit d'appuyer la protestation de l'épiscopat catholique allemand contre l'antisémitisme ".
En 1937, l'encyclique Mit brennender Sorge est publiée par Pie XI, mais Mgr Pacelli " tenta secrètement d'en atténuer la force en rassurant les Allemands ".
Même dans " l'encyclique perdue " de 1939 Humani generis unitas, Mgr Pacelli se montrait convaincu que les Juifs avaient attiré le malheurs sur eux-mêmes ; intervenir en leur faveur aura mené J'Eglise à une alliance avec une puissance comme l'Union soviétique, ouvertement hostile à l'Eglise. " Quand la guerre commença, écrit Cornwell, il était donc résolu à se tenir à l'écart, de tout appel en faveur des juifs sur la scène politique internationale. " Concédant quand même " Cela ne l'empêchait pas de donner des instructions pour alléger leur sort, au nom de la charité la plus élémentaire. "
Ce n'était donc ni une stratégie diplomatique ni une volonté d'impartialité qui poussait Pie XII au silence, mais bien plutôt " une crainte et un méfiance qui lui étaient habituelles vis-à-vis de Juifs ".
La conclusion de John Cornwell sonne comme un terrible réquisitoire : " Ce silence autour de la Solution finale apporta au monde la preuve que le vicaire du Christ n'était homme ni de piété ni de colère. De ce point de vue, il était le pape idéal pour les desseins indicibles de Hitler. Il était un pion dans le jeu de Hitler. Il fut le pape de Hitler. "John Cornwell, le Pape et Hitler : l'histoire secrète de Pie XII, Albin Michel, 494 p., 150 F.
Jean Sévillia
Le Père Blet : " une machination contre l'Eglise "
Pour l'historien jésuite, l'ouvrage de Cornwell abonde en contrevérités volontaire set en lacunes considérables.
LE FIGARO. - Alors, ce livre, un brûlot ? Un pamphlet ?
Pierre BLET. - Ce n'est certainement pas une contribution à l'Histoire. Le prendre au sérieux ? Je cherche en vain. Les documents dits nouveaux ne sont qu'une pincée de textes recueillis ici et là. Pour le reste, l'ouvrage abonde en contradictions et les lacunes sont considérables.
- L'autour voulait initialement montrer l'inanité des griefs contre Pie XII. Il parvient à la conclusion opposée. N'est-ce pas troublant ?
- il prétend en effet avoir été en état de choc. Du coup, il en a vu trente-six chandelles qui lui troublent la vision au point qu'il lui arrive de prendre un document pour lui faire dire strictement son contraire.
- Dans l'ouvrage se trouve une accusation très grave : Pie XII aurait entretenu des préjugés antisémites...
- Je n'ai jamais trouvé rien de tel dans les documents. Beaucoup prouvent le contraire. Si Cornwell porte une telle accusation, c'est à lui de la prouver. Or, les éléments qu'il présente ne prouvent strictement rien. Que Pacelli, par exemple, se soit trouvé gêné pour intervenir de façon à obtenir des feuilles de palmier pour les juifs en vue de leur fête, c'est sans doute qu'il estimait que ce n'était pas la fonction du nonce d'aider le culte juif. Il aurait sans doute agi de la même façon vis-à-vis de musulmans ou pour une cérémonie bouddhiste.
- Ce document existe bel et bien !
- Tout à fait. Je ne conteste pas du tout l'authenticité de la source, mais l'interprétation qui en est donnée." Rien de nouveau dans son ouvrage "
- Croyez-vous que le nonce Pacelli ait pu contribuer à la montée du nazisme ?
- Ce n'est pas exactement ce que dit l'auteur. Il accuse Pacelli d'avoir contribué à la démission de Ludwig Kaas, président du centre catholique (Zentrum). il faut replacer cela dans l'histoire allemande de l'époque. C'est de toute façon absurde de dire que le futur Pie XII a contribué à l'accession de Hitler au pouvoir.
- Dans une interview donnée en Italie, Cornwell avance que Pie XII aurait été tenté de relativiser auprès d'interlocuteurs allemands la portée de l'encyclique de Pie XI " Mit brennender Sorge " contre l'idéologie nazie ?
- Quels interlocuteurs d'abord ? Il faudrait donner des réponses précises. Ces conversations ont été de toute façon rapportées par d'autres et c'est à l'historien d'en évaluer la portée en faisant la critique de ses sources. Si l'on veut par contre parler de ce que Pie XII pensait du nazisme, il suffit d'interroger des témoins. Certains vivent encore.
- Le nonce devenu secrétaire d'Etat rencontrait bien en 37-39 l'ambassadeur du Reich ?
- Sur ce point, les minutes des entretiens existent. Pacelli ne minimise pas l'encyclique dont il a coordonné lui-même la mise en oeuvre par ordre de Pie XI, Il déclare qu'elle n'est pas anti-allemande mais veut guérir les maux que l'idéologie nazie antichrétienne infligeait à l'Allemagne.
- Avez-vous été tenté d'écarter l'un ou l'autre rapport sur la persécution des juifs qui parvenaient alors à Pie XII ?
- Mais vous faites un procès dans le procès ! Durant notre travail de recherche qui a duré plus de quinze ans nous avons eu en notre possession toutes les réclamations qui étaient adressées au pape au sujet des persécutions, accusations toujours assez vagues jusqu'à la fin. Sur ce point et ce qu'on appela par la suite " le silence de Pie XII -, l'ouvrage de Cornwell ne comporte rien de nouveau. C'est du rabâchage." Un historien ne parle pas ainsi "
- Vos détracteurs disent que vos publications sont loin d'être exhaustives. Un pasteur suisse n'a-t-il pas déclaré l'an dernier que le rapport qu'il avait envoyé en 1942 au Vatican décrIvant les persécutions dont les juifs étaient victimes ne figure pas dans Actes et documents ?
- Le pasteur Riegner s'en est plaint en effet. Dans Actes et documents, nous avons publié la lettre du nonce qui à l'époque transmettait ce rapport au Vatican. Si nous l'avons fait c'est bien que nous ne voulions rien cacher. Ce mémorandum commençait par ces mots : " Les persécutions dont les juifs sont victimes sont bien connues "...
- Ce silence apparent de Pie XII couvrait-il une action secrète à travers les nonciatures pour éviter ou tout au moins restreindre les persécutions ?
- Trois chapitres de mon livre sont consacrés aux multiples actions souvent efficaces menées par les nonces sur ordre de Pie XII, notamment en Slovaquie et en Hongrie, et en Croatie.
- Pourquoi alors quand ils abordent le pontificat de Pie XII tant de chercheurs semblent-ils mal à l'aise ?
- Il y a une campagne contre Pie XII. Le livre de Cornwell a au moins cet intérêt de montrer que, cette fois, ce n'est pas seulement Pie XII qui est visé. Cela concerne aussi Pie IX, mort en 1878, et finit avec Jean-Paul Il. Ces attaques contre Pie XII ne sont qu'un prétexte pour attaquer l'Eglise. C'est assez manifeste dans le volume.
- La légende noire sur Pie XII a-t-elle été téléguidée de l'Est par les Soviétiques qui jamais n'ont pardonné à Pie XII de s'être dressé devant eux ?
- Pour le prouver, il n'y a pas de documents, du moins pour l'instant. Cependant, nous avons toute raison de croire que le mouvement de contestation était bien téléguidé de l'Est.
- Mais alors pourquoi ce livre ? Et pourquoi maintenant ?
- Il est possible que cela fasse partie de la campagne contre la béatification de Pie XII. C'est là-dessus que s'achève le livre de Cornwell, cela montre qu'il n'est pas un historien. M. John Cornwell se met à la place de la Congrégation pour la cause des saints ! Et il déclare : Pie XII ne mérite pas d'être canonisé ! Un historien ne parle pas ainsi. Il se souvient de l'article de Lucien Febvre contre les juges suppléants de la Vallée de Josaphat qui prétendent que comme historiens, ils ont à prononcer des jugements sans appel !
Joseph Vandrisse