Réflexion de Lamennais - Livre 1, chapitre 9
Le Christ s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. Qui oserait après cela refuser d'obéir ? Nul ordre dans le monde, nulle vie que par l'obéissance: elle est le lien des hommes entre eux et avec leur auteur, le fondement de la paix et le principe de l'harmonie universelle.
La famille, la cité, l'Eglise ou la grande société des intelligences ne subsistent que par elle et la perfection la plus haute n'est, pour les créatures, qu'une plus parfaite obéissance; elle seule nous garantit de l'erreur et du péché. Qu'est-ce-que l'erreur ? La pensée d'un esprit faillible, qui ne reconnaît point de maître et n'obéit qu'à soi. Qu'est-ce-que le péché? L'acte d'une volonté corrompue, qui ne reconnaît point de maître et n'obéit qu'à soi.
Mais à qui devons-nous obéir ? A un homme comme nous ? Non, non; l'homme n'a sur l'homme aucun légitime empire; son pouvoir n'est que la force, et quand il commande en son propre nom, il usurpe insolemment un droit qui ne lui appartient en aucune manière. Dieu est l'unique monarque, et toute autorité légitime est un écoulement, une participation de sa puissance éternelle, infinie.
Ainsi, comme l'enseigne l'Apôtre, tout pouvoir vient de Dieu, et il est soumis à une règle divine, aussi bien dans l'ordre temporel que dans l'ordre religieux; de sorte qu'en obéissant au pontife, au prince, au père, à quiconque est réellement le ministre de Dieu pour le bien, c'est à Dieu seul qu'on obéit.
Heureux celui qui comprend cette céleste doctrine. Délivré de la servitude de l'erreur et des passions, de la servitude de l'homme, il jouit de la vraie liberté des enfants de Dieu.