La défense de la Vie Humaine
-Déclarations des Évêques de Belgique-


Table Des Matières

FONDEMENTS BIBLIQUES DE LA DÉFENSE DE LA VIE HUMAINE

PREMIÈRE DÉCLARATION (juin 1989)

I. Toute vie humaine doit être respectée

1. L'Église a le devoir de parler

2. Pour une civilisation vraiment humaine

3. Le premier des droits de l'homme

4. Un droit à respecter par chaque individu

5. Un droit à respecter par les instances sociales, en particulier par l’État

6. Toute dépénalisation de l'avortement est inacceptable

II .Considérations sur quelques arguments.

1. Quelques justifications fallacieuses

2. Les nécessités de la " sécurité juridique ", la loi n'étant plus observée.

3. Et le pluralisme?

4. L’Église fait de la politique

III. Le Véritable Progrès
1.Choisir pour la vie

2. L'homme : image et enfant de Dieu

DEUXIÈME DÉCLARATION (mai 1990)

I. Une loi inacceptable

La pratique des pays voisins

Démocratie et vie privée

La loi n'oblige personne !

II. Appel à tous les défenseurs de la vie

Les situations tragiques — "Le moindre mal ?"

Appel aux femmes qui attendent un enfant et à leur entourage

Appel aux médecins et au personnel médical

Appel à toute la société !

Pour une vraie conception de l'amour sexuel !

III. Appel à nos frères et soeurs chrétiens

Et la miséricorde ?

IV. Directives pour les institutions et les organisations chrétiennes

Autres documents complémentaires à consulter

Revue "La bonne nouvelle sur la vie" publiée et offerte gracieusement
à télécharger par http://www.labonnenouvelle.fr

Stéphane Mercier

Si, de fait, l'avortement est légal dans la plupart de nos pays, est-il pour autant moral d'y recourir ? Quel argument philosophique peut établir que l'avortement est en soi un meurtre criminel qui ne peut jamais être justifié ? Courageusement l'auteur ose répondre à ces questions. Avant tout il trace le cadre d'une vraie démarche rationnelle, loin des réactions passionelles que le débat suscite. Puis, partant de prémisses morales et d'analyses factuelles bien établies, l'auteur nous conduit avec talent dans une réflexion profonde et particulièrement éclairante.

Très bon résumé de l'encyclique "Evangelium vitæ" par le Cardinal DANNEELS
"Duel entre la vie et la mort"

La vérité et la signification réelle de la sexualité humaine : une grande question ? Le CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE y répond pour aider les familles chrétiennes à vivre l'authentique sexualité humaine, désirée par Dieu pour l'homme.

 

Fondements bibliques de la défense de la vie humaine

"La donnée essentielle dont il faut partir est et demeure la vision biblique de l'homme, formulée d'une manière exemplaire dans les récits de la création. 

La Bible définit l'être humain, son essence, qui précède toute histoire et ne se perd jamais dans l'histoire, par deux indications :

Ces deux aspects, la dignité divine de l'être humain et l'unicité de son origine, trouvent un sceau définitif dans la figure du second Adam, le Christ : le Fils de Dieu est mort pour tous, pour les réunir tous dans le salut définitif de la filiation divine.

Cette annonce biblique est la "citadelle" de la dignité humaine et des droits de l'homme; elle est le grand héritage de l'humanisme authentique qui a été confié à l'Église, laquelle a pour devoir d'incarner cette annonce dans toutes les cultures, dans tous les systèmes sociaux et constitutionnels.(1)" (Retour à la table des matières)

POSITION DES ÉVÊQUES DE BELGIQUE À PROPOS DE LA DÉPÉNALISATION DE L'AVORTEMENT

Première déclaration (2)

I. Toute vie humaine doit être respectée

1 .L'Église a le devoir de parler

La Commission mixte compétente du Sénat vient d'accepter une dépénalisation partielle de l'avortement. Ce fait nouveau oblige une fois de plus l’Église à parler haut et clair. Son silence en effet serait interprété à tout le moins comme une acceptation de la proposition de loi en cours d'élaboration. Mais lorsque la vie humaine est en jeu, lorsque l'existence des plus faibles et des plus démunis est directement menacée, l’Église ne peut pas se taire. Les chrétiens ont toujours lutté contre la plaie récurrente de l'avortement. En dénonçant une fois encore la gravité de ce mal et en plaidant pour que la loi maintienne et garantisse intégralement l'accueil à la vie des enfants engendrés, l’Église d'aujourd'hui est fidèle à l’Église de toujours et à sa mission pour l'humanité. (Retour à la table des matières)

2. Pour une civilisation vraiment humaine

Avant de devenir un problème de droit civil et pénal, le refus de l'avortement est d'abord une exigence d'une civilisation vraiment humaine. Dans le monde des hommes, chaque individu est un être unique, qui demande à être reconnu et promu comme tel. Pour vivre, il a besoin de l'aide de tous, à commencer de ceux qui l'ont engendrés. A son tour, il devra accueillir les autres et employer toute sa créativité pour les aider à vivre le mieux possible. Sans cet accueil et cette entraide mutuelle, la vie sociale, la vie tout court devient impossible. La solidarité de tous est un besoin essentiel mais aussi une condition indispensable de l'existence en commun. Comment prétendre la sauvegarder si on enlève à certains leur droit de vivre ? On en revient alors à la loi du plus fort qui, dans son égoïsme, interdit à d'autres l'exercice de leurs droits essentiels.  (Retour à la table des matières)

Une culture qui accepte l'avortement est en fait une culture qui, sur le point le plus fondamental, permet à la violence de l'emporter sur le droit. Notre monde occidental, profondément marqué par la civilisation chrétienne, était parvenu à mettre cette violence au ban de la société. Permettre qu'elle se réintroduise aujourd'hui, c'est faire un énorme pas en arrière sur la voie toujours à reprendre de l'humanisation des moeurs.  (Retour à la table des matières)

3. Le premier des droits de l'homme

Plaider pour l'accueil et la reconnaissance mutuels, c'est proclamer les droits de l'homme, de la personne humaine. Tout le monde aujourd'hui se dit d'accord pour les revendiquer et pour promouvoir les actions privées et publiques visant à les respecter et à les défendre. Mais le premier droit de l'homme est son droit à la vie. Il est le fondement et le support de tous les autres. 

Ce droit appartient à un être humain dès sa conception. Dès ce moment en effet, il est constitué en individu distinct du corps de sa mère, appelé à se développer en personne humaine par un devenir progressif, où aucune étape n'apparaît plus décisive qu'une autre. Les considérations de la proposition le reconnaissent à leurs manières puisqu' ils avouent en effet que les " les étapes sont pourtant, au plan médical, affectif ou moral, difficilement discernables (3) ". (Retour à la table des matières)

4. Un droit à respecter par chaque individu

Ce droit de l'homme à la vie doit évidemment être respecté par tous les individus. Personne ne peut s'ériger en juge et maître de la vie d'autrui pour en disposer à son gré. 

Invoquer contre ce principe primordial la " liberté d'opinion " serait immoral. Il ne s'agit pas ici d'une vue théorique et abstraite de l'esprit, mais on revendique le droit de passer de l'opinion à l'acte, le droit effectif de tuer. Personne n'oserait se réclamer de la liberté d'opinion en faveur de la torture. A fortiori faut-il la rejeter lorsqu'il s'agit de la mort d'innocents, fussent-ils gravement handicapés. 

A supposer qu'un État irait jusqu'à tolérer une telle liberté d'opinion, aucun citoyen ne pourrait s'en prévaloir pour agir à son gré.  (Retour à la table des matières)

5. Un droit à respecter par les instances sociales, en particulier par l’État

Le droit personnel à la vie doit être respecté également par la société et ses diverses instances, en particulier par l’État, organe politique et juridique de la régulation de la vie en commun. 

Le devoir de l’État consiste à organiser au mieux la vie sociale. On ne demande sans doute pas à la Loi de recouvrir tout le domaine de la morale. Mais elle doit à tout le moins garantir pour tous le respect de leurs droits fondamentaux, à commencer par celui de vivre. L’État doit protéger la vie de tous, sans oublier celle des plus faibles. Il ne peut accorder à personne le droit ou la faculté de supprimer son prochain. Ce serait d'ailleurs rendre la vie sociale impossible. 

Un État qui agirait de la sorte renoncerait à cautionner l'égalité de tous les citoyens devant la loi. C'est lui-même qui mine alors le fondement premier d'un État de droit.  (Retour à la table des matières)

6. Toute dépénalisation de l'avortement est inacceptable

La proposition de loi sur la dépénalisation de l'avortement est inacceptable. Toute dépénalisation en effet, fut-elle seulement partielle, revient en fait à exclure de la protection de l’État une certaine catégorie de personnes et précisément les plus faibles et les plus démunies. Elle introduit ainsi, au sein même de la loi, une discrimination nouvelle plus grave encore que toutes les discriminations sociales, raciales, sexuelles que tous s'accordent à proscrire. Elle accorde impunément à des personnes particulières le droit à la vie et de mort sur autrui. 

En outre, les dispositions prévues avant la douzième semaine reviennent à libéraliser purement et simplement l'avortement sur requête de la mère. La " situation de détresse " de celle-ci est ramenée à " son refus profond et persistant de laisser se poursuivre sa grossesse ", refus dont le médecin ne peut que prendre acte (4)

L'amendement présenté par les auteurs de la proposition renforce encore cette liberté de la mère au point que la loi belge irait plus loin que toute autre législation étrangère. Quant aux conditions prévues après la douzième semaine, elles restent à ce point générales et imprécises qu'elles ouvrent elles aussi la porte à " l'avortement sur demande ". Les conditions prévues par la proposition de loi pour assurer l'impunité, soit avant soit après la douzième semaine de grossesse, ne suppriment pas l'injustice fondamentale commise contre l'enfant à naître. L'exemple des pays étrangers le montre à suffisance.  (Retour à la table des matières)

II .Considérations sur quelques arguments.

1. Quelques justifications fallacieuses (5)

Pour justifier la dépénalisation, on invoque :

- L'état des moeurs : "une partie des citoyens accepte la dépénalisation de l'avortement à certaines conditions". 

Mais l’État doit veiller à l'humanisation progressive de la vie sociale. Cela implique la protection de la vie humaine et requiert la capacité de résister à certaines campagnes d'opinion qui aboutissent à l'effritement des valeurs morales. 

- "La difficulté de juger d'une problématique morale mettant en jeu des données subjectives, des contraintes intérieures que le juge ne peut prétendre mesurer objectivement (6)". 

Pareille argumentation rend impossible toute sentence judiciaire. Dans un État de droit avec séparation des pouvoirs, il appartient précisément au juge d'apprécier les circonstances personnelles qui modifient ou même enlèvent la responsabilité d'un délit. 

De plus, la présence du foetus qui demande à vivre n'est pas une "donnée subjective". 

- "Le respect par l’État de l'autonomie et de la vie privée des citoyens".

Quand cette autonomie menace la vie d'un autre, il ne s'agit plus de vie privée, mais d'un acte social dont personne ne peut se désintéresser.  (Retour à la table des matières)

2 .Les nécessités de la " sécurité juridique ", la loi n'étant plus observée.

La loi n'étant plus observée par de nombreux citoyens, elle ne serait - dit-on - plus à même d'assurer la " sécurité juridique ". L’État de droit est donc menacé dans ses fondements.

On ne supprime pas un mal en introduisant un mal plus profond encore. Et on ne résout pas une difficulté historique et contingente de l’État de droit en instaurant la négation permanente du fondement premier de cet État. Pour les foetus menacés, il ne s'agit pas seulement de " sécurité juridique " mais de sécurité tout court. 

La vraie solution, c'est que tous les responsables s'unissent pour protéger les vies humaines menacées par l'avortement. (Retour à la table des matières)

3. Et le pluralisme ?

Personne ne peut imposer ses convictions religieuses ou philosophiques aux autres citoyens. Refuser la dépénalisation de l'avortement, c'est approuver une opinion plutôt que l'autre.

Mais l'accepter, c'est aussi privilégier une opinion philosophique : la liberté de l'individu au détriment d'un autre et la démission par l’État de son devoir de protection de tous. Encore une fois, le droit à la vie l'emporte sur la liberté d'opinion. (Retour à la table des matières)

4. L’Église fait de la politique

L’Église ne s'engage-t-elle pas alors directement sur le terrain politique ?

Même sur ce terrain, on ne peut refuser aux chrétiens et aux responsables de l’Église d'exprimer leur opinion comme tous les autres citoyens. Autre chose serait d'imposer cette opinion par des voies coercitives (7) et non démocratiques. En fait, l’Église se borne à rappeler les principes moraux et juridiques qui gouvernent la vie des États. C'est son droit et sa mission. (Retour à la table des matières)

III. Le Véritable Progrès

1. Choisir pour la vie

Dépénaliser l'avortement, c'est autoriser un geste négatif, un geste de refus, un geste de mort. C'est nier la solidarité qui seule permet aux hommes de vivre. Un tel geste peut-il se présenter comme une démarche progressiste ?

Le vrai progrès est celui qui aide les femmes et les hommes à améliorer leur existence. La " qualité " d'une vie individuelle ne peut se déployer dans la mort d'un autre. Pour que tous vivent mieux, il faut aussi que tous s'engagent dans l'effort collectif d'accueil et de créativité les uns envers les autres. C'est cela le vrai progressisme. Cela demande un changement des structures sociales. Ils s'imposent d'éliminer toutes les causes qui poussent à demander l'avortement. De même il faut prendre les mesures réellement efficaces pour aider la femme a assumer sa responsabilité de mère. Il est urgent de prendre les dispositions pratiques capables de rencontrer les situations de détresse autrement que par une dépénalisation de l'avortement. Cela suppose un changement des mentalités individuelles et collectives. (Retour à la table des matières)

2. L'homme : image et enfant de Dieu

Le droit de l'homme à sa vie est d'abord l'exigence spontanée de la conscience morale et sociale avant d'exprimer une conviction chrétienne. 

Mais comment taire ici que la foi chrétienne fournit un motif absolu de respecter la vie donnée par Dieu, le Père et le Créateur de tous. Si l'homme participe à la vie propre de Dieu, il a le droit au respect de cette vie d'une façon absolue, car il est image et enfant de Dieu. 

Aussi les chrétiens se doivent-ils de s'engager de façon intense pour

l'accomplissement et la promotion de toute vie humaine.

Les Évêques de Belgique, le 23 juin 1989. (Retour à la table des matières)

 

 

POSITION DES ÉVÊQUES DE BELGIQUE APRÈS LA DÉPÉNALISATION DE L'AVORTEMENT

Deuxième déclaration

 

Notre Parlement a donc voté une loi qui dépénalise presque sans limites l'avortement !

Dans notre pays, les enfants engendrés resteront dorénavant sans aucune protection légale pendant les douze premières semaines de leur existence. Et même après cette période, certains d'entre eux seront menacés d'élimination avant leur naissance… Nous avons réagi immédiatement pour manifester notre réprobation et notre inquiétude. Nous ne pouvions permettre que notre silence soit interprété comme de la résignation ou comme un assentiment. Comme nous l'annoncions alors, nous voulons compléter aujourd'hui notre prise de position, tant doctrinale que pastorale, devant cette nouvelle situation. 
En tant qu'évêques, nous avons le droit de nous prononcer sur les retombées de certaines décisions politiques, surtout quand sont en jeu les droits fondamentaux de la personne et de la famille. 
Sous peine de renoncer à notre mission reçue du Seigneur Jésus-Christ, nous ne pouvons nous y renoncer.
(Retour à la table des matières)

I. Une loi inacceptable

Conscients de notre devoir envers la société et de la mission prophétique de l’Église à l'égard du monde, nous devons réaffirmer une fois encore que la loi votée est une loi injuste. Nous ne nous y rallierons jamais. Nous ne pouvons accepter que le législateur en arrive, au nom de la liberté individuelle, à sacrifier le droit à la vie d'êtres humains sans défense. Nous ne pouvons que déplorer la suppression de la protection de l’État à tant d'enfants engendrés, dont la vie est ainsi abandonnée à l'arbitraire de personnes privées. Nous devons le redire clairement : sur ce point, notre État a cédé à la violence. Il a accepté que la volonté des plus forts l'emporte sur les droits et les besoins fondamentaux des plus faibles, des plus fragiles et des plus dépendants. C'est là un pas vers la dégradation de la moralité publique et du respect envers la personne humaine.

Un pas qui suscite aussi la crainte d'être suivi de bien d'autres. Nous pensons ici aux mouvements en faveur de l'euthanasie des malades incurables et des personnes âgées. Celle-ci aboutirait logiquement à la suppression des êtres humains handicapés. Une fois violé le principe du respect fondamental de la vie des innocents, pourra-t-on encore s'arrêter en chemin ?

C'est pourquoi nous le redisons avec force : la loi de dépénalisation de l'avortement est une loi inacceptable. Elle ne fait pas honneur à notre pays. Et nous espérons fermement que le législateur se ressaisira à l'avenir. (Retour à la table des matières)

La pratique des pays voisins.

On nous opposera que notre pays n'a fait que rejoindre la pratique de la plupart des nations qui nous entourent.

Mais il la rejoint précisément dans ce qu'elle a de plus répréhensible. Notre législation va même plus loin que toute autre puisque, pendant les trois premiers mois de la grossesse, elle attribue au seul vouloir de la mère, le pouvoir de vie ou de mort sur son enfant. ceci est d'autant plus inquiétant que, dans plusieurs pays, on s'interroge déjà sur les ravages que de telles lois entraînent pour la société.

Parmi les contradictions de notre société, nous devons ici en soulever une particulièrement insoutenable. D'une part, elle exige et multiplie légitimement les efforts pour le progrès de la qualité de la vie, elle réclame l'élaboration d'une charte des droits de l'enfant et met en oeuvre des techniques sophistiquées et onéreuses pour remédier à la stérilité des parents. Elle demande aussi l'abrogation universelle de la peine de mort. Mais, en même temps, elle accepte passivement la mise à mort de tant d'êtres humains à peine engendrés. Cette contradiction ne laisse pas d'inquiéter pour l'avenir de notre société. Qu'adviendra-t-il d'elle si le souci de l'accueil de la vie s'estompe dans les esprits ? (Retour à la table des matières)

Démocratie et vie privée.

Plus insidieusement, on avance qu'une bonne démocratie doit limiter au maximum les interventions de l'autorité publique dans la vie privée des citoyens. Elle doit promouvoir la liberté des personnes et non s'y substituer. C'est à cet impératif que répondrait la nouvelle loi !

Mais l'exercice de la liberté a ses contraintes. La liberté des personnes privées trouve sa limite dans les droits fondamentaux des autres, en premier lieu dans leur droit à la vie. L'acte d'un individu ne peut supprimer volontairement la vie d'un autre. Une démocratie authentique doit fermement protéger le droit à l'existence de chacun. (Retour à la table des matières)

La loi n'oblige personne !

On fait valoir que la loi votée n'oblige personne à recourir à l'avortement et, qu'en ce sens, elle respecte les convictions philosophiques et religieuses des citoyens. Elle se contente, dit-on, de dépénaliser l'avortement dans des circonstances et des conditions déterminées !

Ne nous laissons pas abuser. En fait, la loi aboutit à une libéralisation presque totale de l'avortement. Il est vrai qu'elle n'oblige personne. Mais on ne peut minimiser les répercussions d'une prise de position du législateur sur la mentalité collective. Combien de gens ne seront-ils pas tentés de dire : "l'avortement n'est pas si grave puisque l'État a décidé de ne plus le sanctionner - ou si peu". (Retour à la table des matières)

II. Appel à tous les défenseurs de la vie

Ne le cachons pas : nous craignons le développement d'une mentalité abortive parmi nos concitoyens. Nous redoutons la banalisation de ce geste de mort.

Au cours du débat parlementaire, même des partisans du projet de loi ont fait état de leurs préoccupations à ce sujet. Ils ont affirmé qu'ils continuaient à considérer l'avortement comme un mal et qu'ils en souhaitaient la régression dans notre société. Aussi en appelons-nous maintenant à tous les hommes et à toutes les femmes qui, indépendamment de leurs opinions religieuses, partagent le souci de la valeur de la vie humaine et l'estime de la grandeur de la maternité et de la paternité.

Ils savent comme nous que le "légal" ne se confond pas avec le "moral" et que la conscience droite doit parfois réprouver des attitudes et des actes que la loi civile tolère ou admet . Ils reconnaissent aussi la nécessité d'actions privées et collectives pour compenser les défaillances de l'autorité publique. Nous leur demandons avec insistance de lutter pour la défense de la vie en toutes circonstances. (Retour à la table des matières)

Les situations tragiques — "Le moindre mal ?"

Nous avons bien conscience que des situations particulièrement tragiques et douloureuses peuvent survenir et cela pour des raisons tant médicales que psychologiques et sociales. Des médecins et d'autres personnalité de haute valeur morale se prennent alors à hésiter. Dans le conflit de devoirs et de valeurs en cause, ils sont tentés d'accepter et de justifier l'avortement comme un mal inévitable mais moins grave que les autres qu'il faut aussi prévenir ! Il ne nous est pas possible de nous rallier à cette opinionElle perd de vue la gravité de la mise à mort délibérée d'un innocent. Celle-ci n'appartient pas au pouvoir de l'homme. Tant au point de vue social qu'individuel, elle est toujours plus nocive que les maux auxquels elle veut porter remède.

Nous sommes obligés de le répéter une fois encore : accorder à certains membres de la société le droit d'éliminer un de leurs semblables qui est innocent, c'est mettre en cause le fondement même de la vie sociale et de l'État de droit. Du point de vue individuel, il ne faut pas oublier non plus que, quelles que soient les difficultés et les angoisses des femmes enceintes, et éventuellement de leur conjoint, de leur compagnon ou de leur entourage, celles-ci gardent la possibilité et l'espoir de surmonter les impasses devant lesquelles elles se trouvent. L'enfant avorté, lui, en perdant sa vie perd toutes ses chances.

Rappelons toutefois que lorsque la vie de la mère et/ou celle de l'enfant sont en danger, on peut poser les actes médicaux qui, par leur nature et dans l'intention du médecin, visent à sauver la vie qui est en péril, même si ces actes comportent quelques risques non voulu et non désiré, et que l'on cherche à éviter par tous les moyens disponibles. (Retour à la table des matières)

Appel aux femmes qui attendent un enfant et à leur entourage.

Nous nous adressons maintenant aux femmes qui attendent un bébé qu'elles n'ont pas désiré. Selon la loi, c'est d'elles et d'elles seules que dépend la survie de leur enfant. Personne ne comprendra jamais assez ce que peut être leur détresse, surtout lorsque l'enfant est handicapé. Nous leur demandons de considérer l'état de détresse plus grand encore de leur enfant à qui elles interdiraient de vivre. 

Il est faux d'affirmer qu'un enfant non désiré ne peut trouver une vie heureuse. Son bonheur dépend largement de l'accueil que sauront lui réserver ses parents mais aussi de l'aide et de la compréhension qu'il trouvera auprès de sa famille et des amis.

La décision de la femme est très souvent conditionnée par l'attitude de son conjoint ou par celle de l'entourage familial et social. 

C'est d'ailleurs un autre défaut de la récente loi que d'ignorer totalement le proche entourage de la femme enceinte et surtout les responsabilités, les devoirs et les droits du père de l'enfant.

Nous nous adressons tout particulièrement à toutes ces personnes pour les inviter à prendre conscience de leurs devoirs et à aider la mère à accepter son enfant. (Retour à la table des matières)

Appel aux médecins et au personnel médical.

Nous devons nous adresser aussi aux médecins à qui la loi attribue désormais un rôle tout particulier. Par leur profession, ils sont service de la vie. Ils ont l'obligation grave d'user du droit d'objection de conscience que la loi leur reconnaît, comme à toutes les infirmières, à tous les infirmiers et au personnel auxiliaire médical. Qu'ils se laissent conduire par une conscience éclairée et toujours mieux informée de leur responsabilité. Que, dans le respect de leur patiente et de l'enfant qu'elle porte, ils puissent vraiment aider les futures mères à accueillir généreusement une nouvelle vie. (Retour à la table des matières)

Appel à toute la société !

Toutes les exhortations précédentes risquent de rester pour une grande part infructueuses si elles ne trouvent pas appui dans un renouveau éthique de la société. C'est tout notre milieu social qui doit reprendre conscience de sa responsabilité envers l'enfant à naître et s'efforcer de créer un climat plus favorable à son accueil. Il nous faut prendre en charge les femmes en difficulté et les mères célibataires, accorder tous nos soins aux enfants handicapés et leur assurer l'affection et des conditions de vie décentes susceptibles de favoriser leur développement. Il nous faut entourer les parents d'une sollicitude délicate et efficace, qui les aide à porter le poids de leur épreuve. Tous, nous sommes appelés à une grande solidarité et à participer à cet effort commun.

Il est vrai que les engagements individuels ou privés ne peuvent suffire quand il s'agit de s'attaquer aux causes favorisant l'avortement. L'autorité publique doit pouvoir soutenir et organiser une solidarité positive en adoptant les mesures politiques et sociales nécessaires dans tous les domaines concernés. Cela suppose la mise en place de structures indispensables ainsi que leur financement. Nous osons espérer que l'État ne lésinera pas devant les nécessités de cet objectif prioritaire : sauvegarder des vies humaines. (Retour à la table des matières)

Pour une vraie conception de l'amour sexuel !

Ces mesures sociales risquent à leur tour de rester inefficaces si les individus et les couples ne modifient pas leur comportement sexuel dans le vécu quotidien. L'amour sexuel est une des composantes majeures de l'existence humaine. Il est source des joies parmi les plus profondes que les humains puissent ressentir, mais aussi des devoirs parmi les plus exigeants qui leur incombent. Ce ne peut être qu'à l'intérieur d'une authentique vie conjugale, assumée dans la fidélité et incluant l'ouverture vers la fécondité, que l'amour sexuel peut trouver tout son sens humain.

Nous ne pouvons cependant faire semblant de l'ignorer : la permissivité, voire la licence qui règnent aujourd'hui en ce domaine sont à l'origine de bien des tentations d'avortement. ces abus entravent le développement d'une liberté authentique. Si l'on veut arriver à une vie en commun équilibrée et heureuse, il faut que chacun apprenne à se dominer dans la vie de chaque jour. L'épanouissement de l'amour conjugal est à ce prix. (Retour à la table des matières)

III. Appel à nos frères et soeurs chrétiens

Nous nous tournons maintenant vers nos frères et nos soeurs dans la foi chrétienne. Nous nous rendons bien compte de ce que leurs convictions sont dorénavant mises à plus dure épreuve encore dans une société qui vient d'accroître sa permissivité et son laisser-aller. Ils sont conscients de la gravité d'un avortement délibéré. Cet acte est tellement grave que l'Église considère que ceux et celles qui collaborent effectivement et directement à l'avortement, s'excluent par leur acte même de la communion ecclésiale !

Frères et soeurs, vous croyez avec nous que l'amour conjugal est une manifestation de la tendresse dont Dieu témoigne pour les hommes. C'est à cet amour qu'Il confie la tâche d'engendrer et d'élever des enfants appelés au bonheur. Chacun et chacune d'entre eux est une image unique et irremplaçable de notre Père à tous. Dieu attend de vous que vous les aidiez à vivre, avec beaucoup d'amour. Ne vous dérobez pas à cet appel.

Nous ne pouvons pas vous promettre qu'il sera toujours facile à suivre et nous pensons très spécialement à ceux et à celles qui attendent un enfant sans l'avoir désiré, aux parents confrontés à la naissance d'un enfant handicapé, ou dont la situation permet difficilement d'envisager une nouvelle naissance.

Comme vous, nous sommes sensibles à toute souffrance et nous nous efforçons d'être aux côtés de tous ceux qui sont dans l'épreuve. Nous les portons dans nos prières et nous demandons au Seigneur d'accorder à tous et à toutes la force nécessaire.

Nous avons cette assurance : Dieu qui vous aime et a besoin de vous, vous la donnera au jour le jour. Que cette espérance vous donne le courage de résister à toute pression sociale. Le témoignage des chrétiens est plus que jamais un signe prophétique que l'amour est capable de vaincre toute difficulté et toute violence. (Retour à la table des matières)

Et la miséricorde ?

Certains, même chrétiens, nous reprochent notre incompréhension, voire notre dureté, devant les cas les plus tragiques. On nous pose la question : "Où reste votre Dieu de miséricorde ?

Disons d'abord que nous ne jugeons pas la conscience personnelles de celles qui auraient recouru à l'avortement, ni de ceux et celles qui les auraient encouragées à y consentir. Il est cependant de notre devoir de leur dire clairement que leur acte est incompatible avec les exigences de l'Évangile. D'autre part, la conscience personnelle est le secret de Dieu, qui seul nous juge et qui est toujours plus grand que notre coeur. C'est pourquoi nous les pressons de ne jamais s'abandonner au désespoir : à tout pécheur repentant Dieu offre sa tendresse miséricordieuse. Et - il faut aussi nous en souvenir - la miséricorde que nous accordons à notre prochain, spécialement aux plus pauvres et aux plus petits, appelle la miséricorde de Dieu à notre égard.

C'est bien là le message de Jésus Notre Sauveur. Il a accueilli et pardonné tous les pécheurs, mais en leur demandant de changer de vie. 

Le mal en effet reste le mal. La miséricorde de Dieu ne supprime ni sa vérité, ni sa sainteté. Notre Église, dans le sillage de Jésus, nous chrétiens, fidèles ou pasteurs, nous devons toujours témoigner à la fois de la vérité et de la miséricorde de Notre Père des Cieux. A Lui de juger en dernière instance si nous sommes personnellement dignes de son accueil. (Retour à la table des matières)

IV. Directives pour les institutions et les organisations chrétiennes

Au terme de cette déclaration, nous vous demandons, frères et soeurs, de résister à la propagande en faveur de l'avortement volontaire. Laissez-vous conduire par votre foi et votre respect profond pour toute vie humaine. Ce que nous disions plus haut de la nécessité d'une action sociale vaut à plus forte raison pour nos organisations chrétiennes. Plus que quiconque, elles doivent se mobiliser dans un effort d'accueil et de soutien aux mères en difficulté, aux enfants handicapés et aux familles éprouvées. Il ne s'agit pas ici seulement d'une obligation morale mais de la charité de Dieu que l'Esprit-Saint répand en nos coeurs. Oui ou non, serons-nous des témoins crédibles de l'amour du Père dont nous parlons si souvent ?

Que notre Église aujourd'hui sache se montrer aussi inventive que celle des siècles antérieurs pour soulager toute misère humaine. Qu'elle trouve les moyens, face à la détresse des femmes et des enfants menacés, de les aider sans porter atteinte à la vie humaine. Qu'elle soit vraiment source de vie !

Nous avons déjà évoqué la nécessité de structures efficaces. C'est pourquoi nous insistons auprès de tous les organismes et institutions qui se réclament de l'Évangile d'apporter leur concours à l'effort commun en faveur de la vie.

Nous nous adressons spécialement aux institutions hospitalières. Qu'elles se refusent à pratiquer des avortements délibérés. Une telle pratique est en contradiction flagrante avec leur identité chrétienne. Que les responsables, les médecins et le personnel soignant s'organisent pour que leurs établissements offrent tous les services nécessaires pour l'accueil et l'aide aux futures mamans et à leurs enfants. Il faudra sans doute dégager à cette fin des ressources économiques nouvelles. La vie d'enfants menacés est sans prix !

Cet appel vaut aussi pour toutes nos organisations sociales. Qu'elles multiplient leurs efforts pour que la famille soit reconnue à sa juste valeur dans notre législation. Que leurs membres soient imprégnés d'un esprit de foi qui redonne confiance dans la vie, même à l'heure de l'épreuve. Qu'elles privilégient désormais l'aide aux mères en détresse et aux enfants dont la vie est en cause ou qui sont menacés d'un handicap.

 Nous demandons également à nos établissements d'enseignement de veiller à une saine éducation des jeunes. Que leurs éducateurs les aident, par leur exemple et des conseils avisés, à découvrir le sens des relations humaines, la valeur d'un amour adulte et d'une harmonieuse maîtrise de soi. Qu'ils leur apprennent la dignité de l’amour conjugal et de ses obligations. Qu'ils leur en montrent la beauté et la grandeur dans le dessein de Dieu.

 Frères et soeurs, nous vivons le temps de Pâques. Nous célébrons dans la joie la fête de la résurrection du Christ et du triomphe de la vie sur la mortQue son Esprit nous aide à témoigner de notre foi, de notre espérance et à lutter pour la victoire de la vie.

Les Évêques de Belgique, mai 1990. (Retour à la table des matières)



En complément, voici un très beau texte explicatif sur la vérité et la signification réelle de la sexualité humaine
CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

VÉRITÉ ET SIGNIFICATION
DE LA SEXUALITÉ HUMAINE

Des orientations pour l'éducation en famille

Également, un très bon résumé de l'encyclique "Evangelium vitæ" par le Cardinal DANNEELS
"Duel entre la vie et la mort"
Une belle présentation du sujet dans "La bonne nouvelle sur la vie..."
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(1) Exposé du Cardinal Joseph Ratzinger, "La défense de la vie", texte italien dans l'Osservatore Romano du 05 avril 1991. Traduction de la Documentation Catholique, n°2028, 19 mai 1991. (Retour au texte)

(2) Les Évêques de Belgique se sont abstenus d'intervenir durant les travaux de la commission sur la dépénalisation de l'avortement.   Ils ont toutefois tenu à rappeler clairement leur position dans une première déclaration, le 23 juin 1989.   A ce moment, l'examen de la proposition de loi en commission du sénat était clôturé, et la reprise du débat, en séance publique cette fois, devait se faire plusieurs mois plus tard.  Après le vote de la loi de la dépénalisation de l'avortement, les Évêques ont fait une nouvelle déclaration (page ). (Retour au texte)

(3) Développements, 19.04.88, n° 9, p.12. (Retour au texte)

(4) Idem, n° 7, p. 9. (Retour au texte)

(5) Destinées à tromper, trompeuses… (Retour au texte)

(6) Idem, n° 7, p. 10. (Retour au texte)

(7) Qui a un pouvoir de coercition, qui contraint. (Retour au texte)