4. Les effets merveilleux que cette dévotion produit
dans une âme
qui y est fidèle
213. Mon cher frère, soyez persuadé que si vous vous rendez fidèle aux pratiques intérieures et extérieures de cette dévotion que je vous marquerai ci-après:
Connaissance et
mépris de soi-même.
1° Par la lumière que le Saint-Esprit vous donnera par Marie, sa chère épouse, vous connaîtrez votre mauvais fond, votre corruption et votre incapacité à tout bien, si Dieu n'en est le principe comme auteur de la nature ou de la grâce et, en suite de cette connaissance, vous vous mépriserez, vous ne penserez à vous qu'avec horreur. Vous vous regarderez comme un limaçon qui gâte tout de sa bave, ou comme un crapaud qui empoisonne tout de son venin, ou comme un serpent malicieux qui ne cherche qu'à tromper. Enfin, l'humble Marie vous fera part de sa profonde humilité, qui fera que vous vous mépriserez, vous ne mépriserez personne, et vous aimerez le mépris.
Participation à la foi de Marie.
214.
2° La Sainte Vierge vous donnera part à sa foi, qui a été plus
grande sur la terre que la foi de tous les patriarches, les prophètes, les
apôtres et tous les saints.
Présentement qu'elle est régnante dans les cieux, elle n'a plus cette foi,
parce qu'elle voit clairement toutes choses en Dieu, par la lumière de la
gloire. Mais cependant, avec l'agrément du Très-Haut, elle ne l'a pas perdue en
entrant dans la gloire. Elle l'a gardée pour la donner dans l'Église militante
à ses plus fidèles serviteurs et servantes.
Plus donc vous gagnerez la
bienveillance de cette auguste Princesse et Vierge fidèle, plus vous aurez de
pure foi dans toute votre conduite: une foi pure, qui fera que vous ne vous
soucierez guère du sensible et de l'extraordinaire, une foi vive et animée par
la charité qui fera que vous ne ferez vos actions que par le motif du pur
amour, une foi ferme et inébranlable comme un rocher qui fera que vous
demeurerez ferme et constant au milieu des orages et des tourmentes, une foi
agissante et perçante qui, comme un mystérieux passe-partout, vous donnera
entrée dans tous les mystères de Jésus-Christ, dans les fins dernières de
l'homme et dans le cœur de Dieu même, une foi courageuse qui vous fera
entreprendre et venir à bout de grandes choses pour Dieu et le salut des âmes,
sans hésiter. Enfin, une foi qui sera votre flambeau enflammé, votre vie
divine, votre trésor caché de la divine Sagesse, et votre arme toute-puissante
dont vous vous servirez pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres et
l'ombre de la mort, pour embraser ceux qui sont tièdes et qui ont besoin de
l'or embrasé de la charité, pour donner la vie à ceux qui sont morts par le
péché, pour toucher et renverser, par vos paroles douces et puissantes, les
cœurs de marbre et les cèdres du Liban, et enfin pour résister au diable et à
tous les ennemis du salut.
215.
3° Cette Mère de la belle dilection ôtera de votre cœur tout
scrupule et toute crainte servile déréglée. Elle l'ouvrira et l'élargira pour
courir dans les commandements de son Fils, avec la sainte liberté des enfants
de Dieu, et pour y introduire le pur amour dont elle a le trésor. En sorte que
vous ne vous conduirez plus par crainte à l'égard de Dieu mais par le pur
amour. Vous le regarderez comme votre bon Père, auquel vous tâcherez de plaire
incessamment, avec qui vous converserez confidemment, comme un enfant avec son
bon père.
Si vous venez, par malheur, à l'offenser, vous vous en humilierez aussitôt devant
lui, demanderez pardon humblement, vous lui tendrez la main simplement et vous
vous en relèverez amoureusement, sans trouble ni inquiétude, et continuerez à
marcher vers lui sans découragement.
Grande confiance en Dieu et en Marie.
216.
4° La Sainte Vierge vous remplira d'une grande confiance en
Dieu et en elle-même :
1. Parce que vous n'approcherez plus de Jésus-Christ par vous-même mais
toujours par cette bonne Mère.
2. Parce que, lui ayant donné tous vos mérites, grâces et satisfactions, pour
en disposer à sa volonté, elle vous communiquera ses vertus et elle vous
revêtira de ses mérites, en sorte que vous pourrez dire à Dieu avec confiance :
Voici Marie votre servante, qu'il me soit fait selon votre parole.
3. Parce que, vous étant donné à elle tout entier, corps et âme, elle qui est
libérale avec les libéraux et plus libérale que les libéraux même, se donnera à
vous par retour, d'une manière merveilleuse mais véritable. En sorte que vous
pourrez lui dire hardiment : Tuus sum
ego, salvum me fac: je suis à vous , Sainte Vierge, sauvez-moi; ou avec le
Disciple bien-aimé : Accepi te in mea:
Je vous ai prise, Sainte Mère pour tous mes biens. Vous pourrez encore dire
avec saint Bonaventure : Tuus totus ego
sum, et omnia mea tua sunt, o Virgo
gloriosa, super omnia benedicta: Ma chère Maîtresse et salvatrice, j'agirai
avec confiance et je ne craindrai point, parce que vous êtes ma force et ma
louange dans le Seigneur…Je suis tout vôtre, et tout ce que j'ai vous
appartient; ô glorieuse Vierge bénite par-dessus toutes choses créées, que je
vous mette comme un cachet sur mon cœur, parce que votre dilection est forte
comme la mort! Vous pourrez dire à Dieu dans les sentiments du Prophète :
Seigneur, ni mon cœur, ni mes yeux n'ont aucun sujet de s'élever et de
s'enorgueillir, ni de rechercher les choses grandes et merveilleuses. Et, avec
cela, je ne suis pas encore humble, mais j'ai relevé et encouragé mon âme par
la confiance. Je suis comme un enfant sevré des plaisirs de la terre et appuyé
sur le sein de ma mère, et c'est sur ce sein que l'on me comble de biens.
4. Ce qui augmentera encore votre confiance en elle, c'est que, lui ayant donné
en dépôt tout ce que vous avez de bon pour le donner ou le garder, vous aurez
moins de confiance en vous et beaucoup plus en elle qui est votre trésor.
Oh! Quelle confiance et quelle consolation pour une âme qui peut dire que le
trésor de Dieu, où il a mis tout ce qu'il a de plus précieux, est le sien
aussi!
Communication de l'âme et l'esprit de Marie
217.
5° L'âme de la Sainte Vierge se communiquera à vous pour
glorifier le Seigneur. Son esprit entrera à la place du vôtre pour se réjouir en
Dieu, pourvu que vous vous rendiez fidèle aux pratiques de cette dévotion.
Que l'âme de Marie soit en chacun pour y glorifier le Seigneur, que l'esprit de
Marie soit en chacun pour s'y réjouir en Dieu. Ah! Quand viendra cet heureux
temps où la divine Marie sera établie maîtresse et souveraine dans les cœurs,
pour les soumettre pleinement à l'empire de son grand et unique Jésus? Quand
est-ce que les âmes respireront autant Marie que les corps respirent l'air?
Pour lors, des choses merveilleuses arriveront dans ces bas lieux, où le
Saint-Esprit, trouvant sa chère Épouse comme reproduite dans les âmes, y
surviendra abondamment et les remplira de ses dons, et particulièrement du don
de la Sagesse, pour opérer des merveilles de grâce.
Mon cher frère, quand viendra ce temps heureux et ce siècle de Marie, où
plusieurs âmes choisies et obtenues du Très-Haut par Marie, se perdant
elles-mêmes dans l'abîme de son intérieur, deviendront des copies vivantes de
Marie, pour aimer et glorifier Jésus-Christ? Ce temps ne viendra que quand on
connaîtra et on pratiquera la dévotion que j'enseigne!
Transformation des âmes en Marie à l'image de Jésus-Christ.
218.
6° Si Marie, qui est l'arbre de vie, est bien cultivée en
votre âme par la fidélité aux pratiques de cette dévotion, elle portera son
fruit en son temps. Et son fruit n'est autre que Jésus-Christ. Je vois
tant de dévots et dévotes qui cherchent Jésus-Christ, les uns par une voie et
une pratique, les autres par l'autre. Et souvent, après qu'ils ont beaucoup
travaillé pendant la nuit, ils peuvent dire : Per totam noctem laborantes, nihil cepimus: Quoique nous ayons
travaillé pendant toute la nuit, nous n'avons rien pris. Et on peut leur dire
"Vous avez beaucoup travaillé et
vous avez peu gagné. Jésus-Christ est encore bien faible chez vous".
Mais par la voie immaculée de Marie et cette pratique divine que
j'enseigne, on travaille pendant le jour, on travaille dans un lieu saint, on
travaille peu. Il n'y a point de nuit en Marie, puisqu'il n'y a point eu de
péché et même la moindre ombre. Marie est un lieu saint et le Saint des saints,
où les saints sont formés et moulés.
219.
Remarquez, s'il vous plaît, que je dis que les saints sont
moulés en Marie. Il y a une grande différence entre faire une figure en relief,
à coups de marteau et de ciseau, et faire une figure en la jetant en moule :
les sculpteurs et statuaires travaillent beaucoup à faire les figures dans la
première manière, et il leur faut beaucoup de temps. Mais à les faire dans la
seconde manière, ils travaillent peu et les font en fort peu de temps. Saint
Augustin appelle la Sainte Vierge "forma Dei : le moule de Dieu".
Celui qui est jeté dans ce moule divin est bientôt formé et moulé en
Jésus-Christ, et Jésus-Christ en lui. A
peu de frais et en peu de temps il deviendra dieu, puisqu'il est jeté dans le
même moule qui a formé un Dieu.
220.
Il me semble que je puis fort bien comparer ces directeurs et
personnes dévotes qui veulent former Jésus-Christ en soi ou dans les autres par
d'autres pratiques que celle-ci, à des sculpteurs qui, mettant leur confiance
dans leur savoir-faire, leurs industries et leur art, donnent une infinité de
coups de marteau et de ciseau à une pierre dure, ou une pièce de bois mal
polie, pour en faire l'image de Jésus-Christ.
Et quelquefois ils ne réussissent pas à exprimer Jésus-Christ au naturel, soit
faute de connaissance et d'expérience de la personne de Jésus-Christ, soit à
cause de quelque coup mal donné qui a gâté l'ouvrage.
Mais pour ceux qui embrassent ce secret de la grâce que je leur présente, je
les compare avec raison à ces fondeurs et mouleurs qui, ayant trouvé le beau
moule de Marie, où Jésus-Christ a été naturellement et divinement formé, sans
se fier à leur propre industrie mais uniquement à la beauté du moule, se
jettent et se perdent en Marie pour devenir le portrait au naturel de
Jésus-Christ.
221. O la belle et véritable comparaison ! Mais qui la comprendra? Je désire que ce soit vous, mon cher frère, mais souvenez-vous qu'on ne jette en moule que ce qui est fondu et liquide : c'est-à-dire qu'il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie.
La plus grande gloire de Jésus-Christ.
222.
7° Par cette pratique, bien fidèlement observée, vous donnerez
à Jésus-Christ plus de gloire en un mois de temps que par aucune autre, quoique
plus difficile, en plusieurs années.
1. Parce que, faisant vos actions par la Sainte Vierge, vous quittez vos
propres intentions et opérations, quoique bonnes et connues, pour vous perdre,
pour ainsi dire, dans celles de la Très Sainte Vierge, quoiqu'elles vous soient
inconnues. Et par là vous entrez en participation de la sublimité de ses
intentions, qui ont été si pures qu'elle a donné plus de gloire à Dieu par la
moindre de ses actions - par exemple en filant sa quenouille ou en faisant un
point d'aiguille - qu'un saint Laurent sur son gril, par son cruel martyre, et
même que tous les saints par leurs actions les plus héroïques.
Ce qui fait que, pendant son séjour ici-bas, elle a acquis un comble si
ineffable de grâces et de mérites, qu'on compterait plutôt les étoiles du
firmament, les gouttes d'eau de la mer et les sables du rivage que ses mérites
et ses grâces, et qu'elle a donné plus de gloire à Dieu que tous les anges et
les saints ne lui en ont donné ni ne lui en donneront. O prodige de Marie !
vous n'êtes capable que de faire des prodiges de grâce dans les âmes qui
veulent bien se perdre en vous.
223. 2. Parce qu'une âme, par cette pratique, ne comptant pour rien tout ce qu'elle pense ou fait d'elle-même, et ne mettant son appui et sa complaisance que dans les dispositions de Marie, pour approcher de Jésus-Christ, et même pour lui parler, elle pratique beaucoup plus l'humilité que les âmes qui agissent par elles-mêmes, et qui ont un appui et une complaisance imperceptible dans leurs dispositions. Et, par conséquent, elle glorifie plus hautement Dieu, qui n'est parfaitement glorifié que par les humbles et les petits de cœur.
224. 3. Parce que la Sainte Vierge, voulant bien, par une grande charité, recevoir en ses mains virginales le présent de nos actions, elle leur donne une beauté et un éclat admirable. Elle les offre elle-même à Jésus-Christ, et Notre-Seigneur en est plus glorifié que si nous les offrions par nos mains criminelles.
225.
4. Enfin, parce que vous ne pensez jamais à Marie, que Marie,
en votre place ne pense à Dieu. Vous ne louez ni n'honorez jamais Marie que
Marie avec vous ne loue et n'honore Dieu. Marie est toute relative à Dieu, et
je l'appellerais fort bien la relation de Dieu, qui n'est que par rapport à
Dieu, ou l'écho de Dieu, qui ne dit et ne répète que Dieu. Si vous dites Marie,
elle dit Dieu.
Sainte Elisabeth loua Marie et l'appela bienheureuse de ce qu'elle avait cru :
Marie, l'écho fidèle de Dieu, entonna : Magnificat
anima mea Dominum, mon âme glorifie le Seigneur. Ce que Marie a fait en
cette occasion, elle le fait tous les jours. Quand on la loue, on l'aime, on
l'honore ou on lui donne, Dieu est loué, Dieu est aimé, Dieu est honoré, on
donne à Dieu par Marie et en Marie.
5.
Pratiques
particulières de cette dévotion
226.
Quoique l'essentiel de cette dévotion consiste dans
l'intérieur, elle ne laisse pas d'avoir plusieurs pratiques extérieures qu'il
ne faut pas négliger, soit parce que les pratiques extérieures bien faites
aident les intérieures, soit parce qu'elles font ressouvenir l'homme, qui se
conduit toujours par les sens, de ce qu'il a fait ou doit faire; soit parce
qu'elles sont propres à édifier le prochain qui les voit, ce que ne font pas
celles qui sont purement intérieures.
Qu'aucun mondain donc, ni critique ne mette le nez pour dire que la vraie
dévotion est dans le cœur, qu'il faut éviter ce qui est extérieur, qu'il peut y
avoir de la vanité, qu'il faut cacher sa dévotion etc.… Je leur réponds avec
mon Maître : Que les hommes voient vos bonnes œuvres, afin qu'ils glorifient
votre Père qui est dans les cieux. Non pas, comme dit saint Grégoire, qu'on
doive faire ses actions et dévotions extérieures pour plaire aux hommes et en
tirer quelque louange, ce serait vanité. Mais on les fait quelquefois devant
les hommes, dans la vue de plaire à Dieu et de le faire glorifier par là, sans
se soucier des mépris ou des louanges des hommes.
Je ne rapporterai qu'en abrégé quelques pratiques extérieures, que je n'appelle
pas extérieures parce qu'on les fait sans intérieur, mais parce qu'elles ont
quelque chose d'extérieur, pour les distinguer de celles qui sont purement
intérieures.
Consécration après exercices préparatoires
227. Première pratique. Ceux et celles qui voudront entrer en cette dévotion particulière, qui n'est point érigée en confrérie, après avoir, comme j'ai dit dans la première partie de cette préparation au Règne de Jésus-Christ, employé douze jours au moins à se vider de l'esprit du monde contraire à celui de Jésus-Christ, emploieront trois semaines à se remplir de Jésus-Christ par la Très Sainte Vierge. Voici l'ordre qu'ils pourront garder :
228.
Pendant la première semaine, ils emploieront toutes leurs
oraisons et actions de piété à demander la connaissance d'eux-mêmes et la
contrition de leurs péchés : et ils feront tout en esprit d'humilité.
Pour cela, ils pourront, s'ils veulent, méditer ce que j'ai dit de notre
mauvais fond et ne se regarder, les six jours de cette semaine, que comme des
paons, escargots, crapauds, cochons et serpents.
Ils prieront Notre-Seigneur et son
Saint-Esprit de les éclairer, par ces paroles : Domine, ut videam - Seigneur faites que je voie, ou Noverim me - que je
me connaisse, ou Veni, Sancte Spiritus - Venez, Esprit-Saint.
Ils diront tous les jours les litanies du Saint-Esprit et l'oraison qui
suit.
Ils auront recours à la Très Sainte Vierge, et lui demanderont cette grande
grâce qui doit être le fondement des autres, et pour cela ils diront tous les
jours l'Ave maris Stella, et ses
litanies.
229.
Pendant la seconde semaine, ils s'appliqueront dans toutes
leurs oraisons et œuvres de chaque journée, à connaître la Très Sainte Vierge.
Ils demanderont cette connaissance au Saint-Esprit.
Ils pourront lire et méditer ce que nous avons dit. Ils réciteront comme la
première semaine les litanies du Saint-Esprit et l'Ave maris Stella, et, de plus, un rosaire tous les jours ou du
moins un chapelet à cette intention.
230.
Ils emploieront la troisième semaine à connaître Jésus-Christ.
Ils pourront lire et méditer ce que nous avons dit. Ils pourront dire et
répéter cent et cent fois par jour : Noverim
te - Seigneur que je vous connaisse, ou bien
Seigneur, que je voie qui vous êtes!
Ils réciteront, comme les semaines précédentes les litanies du Saint-Esprit
et l'Ave maris Stella, et ajouteront
tous les jours les litanies de Jésus.
231. Au bout de ces trois semaines, ils se confesseront et communieront à l'intention de se donner à Jésus-Christ en qualité d'esclaves d'amour, par les mains de Marie. Et après la communion qu'ils tâcheront de faire selon la méthode qui est ci-après, ils réciteront la formule de leur consécration, qu'ils trouveront aussi ci-après. Il faudra qu'ils l'écrivent et qu'ils la signent le même jour qu'ils l'auront faite.
232.
Il sera bon que ce jour ils payent quelque tribut à
Jésus-Christ et à sa sainte Mère, soit pour pénitence de leur infidélité passée
aux vœux de leur baptême, soit pour protester leur dépendance du domaine de
Jésus et de Marie.
Or, ce tribut sera selon la dévotion et la capacité de chacun, comme un jeûne,
une mortification, une aumône, un cierge. Quand ils ne donneraient qu'une
épingle en hommage, avec un bon cœur, c'en est assez pour Jésus, qui ne regarde
que la bonne volonté.
233.
Tous les ans au moins, le même jour, ils renouvelleront la
même consécration, observant les mêmes pratiques pendant trois semaines.
Ils pourront même, tous les mois et tous les jours renouveler tout ce qu'ils
ont fait par ce peu de paroles "Tuus totus ego sum, et omnia mea tua sunt
: Je suis tout à vous, et tout ce que j'ai vous appartient, ô mon aimable
Jésus, par Marie, votre Sainte Mère".
Récitation de la petite couronne de la Sainte Vierge.
234.
Deuxième pratique. Ils réciteront tous les jours de leur
vie, sans pourtant aucune gêne, la petite couronne de la Très Sainte Vierge,
composée de trois Pater et douze Ave, en l'honneur des douze privilèges et
grandeurs de la Très Sainte Vierge.
Cette pratique est fort ancienne et elle a son fondement dans l'Écriture
Sainte. Saint Jean vit une femme couronnée de douze étoiles, revêtue du soleil
et tenant la lune sous ses pieds, laquelle femme, selon les interprètes, est la
Très Sainte Vierge.
235.
Il y a plusieurs manières de la bien dire qu'il serait trop
long de rapporter. Le Saint-Esprit les apprendra à ceux et celles qui seront
les plus fidèles à cette dévotion.
Cependant, pour le dire tout simplement, il faut d'abord dire : Dignare me laudare te, Virgo sacrata. Da mihi virtutem contra hostes tuos -
Daignez écouter mes louanges, ô Vierge très sainte et donnez moi la force contre vos ennemis.
Ensuite, on dira le Credo puis un Pater, puis quatre Ave Maria et un Gloria Patri,
ainsi du reste. A la fin on dit le Sub
tuum praesidium.
236. Troisième pratique. à 242
Dévotion
spéciale au mystère de l'Incarnation.
243.
Quatrième pratique.
Ils auront une singulière dévotion pour le grand mystère de l'Incarnation du
Verbe, le 25 de mars, qui est le propre mystère de cette dévotion, parce que
cette dévotion a été inspirée du Saint-Esprit :
1. Pour honorer et imiter la dépendance ineffable que Dieu le Fils a voulu
avoir de Marie, pour la gloire de Dieu son Père et pour notre salut, laquelle
dépendance paraît particulièrement dans ce mystère où Jésus est captif et
esclave dans le sein de la divine Marie, et où il dépend d'elle pour toutes
choses.
2. Pour remercier Dieu des grâces incomparables qu'il a faites à Marie et
particulièrement de l'avoir choisie pour sa très digne Mère, lequel choix a été
fait dans ce mystère. Ce sont là les deux principales fins de l'esclavage de Jésus-Christ en Marie
244. Remarquez, s'il vous plaît, que je dis ordinairement : l'esclave de Jésus en Marie, l'esclavage de Jésus en Marie. On peut à la vérité, comme plusieurs ont fait jusqu'ici, dire: l'esclave de Marie, l'esclavage de la Sainte Vierge. Mais je crois qu'il vaut mieux qu'on se dise l'esclave de Jésus en Marie, en voici les raisons :
245. 1° Comme nous sommes dans un siècle orgueilleux, où il y a un grand nombre de savants enflés, d'esprits forts et critiques, qui trouvent à redire dans les pratiques de piété les mieux établies et les plus solides, pour ne pas leur donner une occasion de critique sans nécessité, il vaut mieux se dire l'esclave de Jésus en Marie que l'esclave de Marie, prenant la dénomination de cette dévotion, plutôt de sa fin dernière qui est Jésus-Christ, que du chemin et du moyen pour arriver à cette fin qui est Marie, quoiqu'on puisse, dans la vérité, faire l'un et l'autre sans scrupule, ainsi que je le fais.
246. 2° Comme le principal mystère qu'on célèbre et qu'on honore en cette dévotion est le mystère de l'Incarnation, où on ne peut voir Jésus-Christ qu'en Marie, et incarné dans son sein, il est plus à propos de dire l'esclavage de Jésus en Marie, de Jésus résidant et régnant en Marie, selon cette belle prière de tant de grands hommes : "O Jésus, vivant en Marie, venez et vivez en moi en votre esprit de sainteté, en la plénitude de votre vertu, en la perfection de vos voies, en la vérité de vos vertus, en la communion de vos divins mystères, dominez en moi sur toutes les puissances ennemies, le monde, le diable et la chair, en la vertu de votre esprit et pour la gloire de votre Père."
247.
3° Cette manière de parler montre davantage l'union intime
qu'il y a entre Jésus et Marie.
Ils sont unis si intimement, que l'un est tout dans l'autre. Jésus est tout en
Marie, et Marie toute en Jésus, ou plutôt, elle n'est plus mais Jésus tout seul
en elle. Et on séparerait plutôt la lumière du soleil que Marie de Jésus. En
sorte qu'on peut nommer Notre-Seigneur Jésus
de Marie, et la Sainte Vierge Marie
de Jésus.
248.
Le temps ne me permettant pas de m'arrêter ici pour expliquer
les excellences et les grandeurs du mystère de Jésus vivant et régnant en
Marie, ou de l'Incarnation du Verbe, je me contenterai de dire en trois mots
que c'est ici le premier mystère de Jésus-Christ, le plus caché, le plus relevé
et le moins connu.
C'est en ce mystère que Jésus, de concert avec Marie, dans son sein, qui est
pour cela appelé la salle des secrets de Dieu, a choisi tous les élus.
C'est en ce mystère qu'il a opéré tous les mystères de sa vie qui ont suivi,
par l'acceptation qu'il en fit. Et par conséquent, ce mystère est un abrégé de
tous les mystères, qui renferme la volonté et la grâce de tous.
Enfin, ce mystère est le trône de la miséricorde, de la libéralité et de la
gloire de Dieu.
Le trône de sa miséricorde pour nous, parce que, comme on ne peut approcher de
Jésus ni lui parler que par Marie, on ne peut voir Jésus ni lui parler que par
l'entremise de Marie. Jésus, qui exauce toujours sa chère Mère, y accorde toujours
sa grâce et sa miséricorde aux pauvres pécheurs.
C'est le trône de sa libéralité pour Marie, parce que, tandis que ce nouvel
Adam a demeuré dans ce vrai paradis terrestre, il y a opéré tant de merveilles
en cachette que ni les anges ni les hommes ne les comprennent. C'est pourquoi
les saints appellent Marie "la
magnificence de Dieu," comme si Dieu n'était magnifique qu'en Marie.
C'est le trône de sa gloire pour son Père, parce que c'est en Marie que Jésus a
parfaitement calmé son Père, irrité contre les hommes. Il a parfaitement réparé
la gloire que le péché lui avait ravie, et par le sacrifice qu'il y a fait de
sa volonté et de lui-même, il lui a donné plus de gloire que jamais ne lui
avaient donné tous les sacrifices de l'ancienne loi, et enfin il lui a donné
une gloire infinie que jamais encore il n'avait reçue de l'homme.
Grande dévotion à l'Ave Maria et au chapelet
249.
Cinquième pratique. Ils auront une grande dévotion à dire
l'Ave Maria, ou la salutation angélique dont peu de chrétiens, quoique
éclairés, connaissent le prix, le mérite, l'excellence et la nécessité.
Il a fallu que la Sainte Vierge ait apparu plusieurs fois à de grands saints
fort éclairés pour leur en montrer le mérite, comme à saint Dominique, à saint
Jean de Capistran.
Ils ont composé des livres entiers des merveilles et de l'efficace de cette
prière pour convertir les âmes. Ils ont publié hautement, ils ont prêché
publiquement que le salut du monde ayant commencé par l'Ave Maria, le salut de chacun en particulier était attaché à
cette prière.
Cette prière a fait porter à la terre sèche et stérile le fruit de vie, cette
même prière, bien dite, doit faire germer dans nos âmes la parole de Dieu et
porter le fruit de vie : Jésus-Christ.
L'Ave Maria est une rosée céleste qui
arrose la terre, c'est-à-dire l'âme, pour lui faire porter son fruit en son
temps. Et une âme qui n'est pas arrosée par cette prière ou rosée céleste ne
porte point de fruit et ne donne que des ronces et des épines, et est prête à
être maudite.
250.
Voici ce que la Très Sainte Vierge révéla au bienheureux Alain
de la Roche, comme il est marqué dans son livre De dignitate Rosarii : "Sache, mon fils, et fais-le connaître
à tous, qu'un signe probable et prochain de la damnation éternelle est d'avoir
de l'aversion, de la tiédeur et de la négligence à dire la Salutation
angélique, qui a réparé tout le monde."
Voilà des paroles bien consolantes et bien terribles, qu'on aurait peine à
croire si nous n'en avions pour garants ce saint homme et saint Dominique avant
lui. Car on a toujours remarqué que ceux qui portent la marque de la
réprobation, comme tous les hérétiques et impies, orgueilleux et mondains,
haïssent ou méprisent l'Ave Maria et
le chapelet. Les hérétiques apprennent et récitent encore le Pater, mais non l'Ave Maria ni le chapelet, c'est leur horreur. Ils porteraient
plutôt un serpent sur eux qu'un chapelet. Les orgueilleux aussi, quoique
catholiques, comme ayant les mêmes inclinations que leur père Lucifer,
méprisent ou n'ont qu'indifférence pour l'Ave
Maria, et regardent le chapelet comme une dévotion de femmelette qui n'est
bonne que pour les ignorants et ceux qui ne savent point lire. Au contraire, on a vu, par
expérience, que ceux et celles qui ont d'ailleurs de grandes marques de
prédestination aiment, goûtent et récitent avec plaisir l'Ave Maria. Et plus ils sont à Dieu, plus ils aiment cette prière.
251. Je ne sais comment cela se fait ni pourquoi, mais cela est pourtant vrai. Et je n'ai pas un meilleur secret pour connaître si une personne est de Dieu, que d'examiner si elle aime à dire l'Ave Maria et le chapelet. Je dis : elle aime, car il peut arriver qu'une personne soit dans l'impuissance naturelle ou même surnaturelle de le dire, mais elle l'aime toujours et elle l'inspire aux autres.
252.
Âmes prédestinées,
esclaves de Jésus en Marie, apprenez que l'Ave Maria est la plus belle de
toutes les prières après le Pater.
C'est le plus parfait compliment que vous puissiez faire à Marie, puisque
c'est le compliment que le Très-Haut lui envoya faire par un archange pour
gagner son cœur. Et il fut si puissant sur son cœur, par les charmes secrets
dont il est plein, que Marie donna son consentement à l'Incarnation du Verbe,
malgré sa profonde humilité. C'est par ce compliment aussi que vous gagnerez
infailliblement son cœur si vous le dites comme il faut.
253.
L'Ave Maria bien
dit, c'est à dire avec attention, modestie et dévotion, est, selon les saints,
l'ennemi du diable, qu'il met en fuite, et le marteau qui l'écrase, la
sanctification de l'âme, la joie des anges, la mélodie des prédestinés, le
cantique du Nouveau Testament, le plaisir de Marie et la gloire de la Très
Sainte Trinité.
L'Ave Maria est une rosée céleste qui
rend l'âme féconde, c'est un baiser chaste et amoureux qu'on donne à Marie,
c'est une rose vermeille qu'on lui présente, c'est une perle précieuse qu'on
lui offre.
254. Je vous prie donc instamment, par l'amour que je vous porte en Jésus et en Marie, de ne vous pas contenter de réciter la petite couronne de la Sainte Vierge, mais encore votre chapelet, et même, si vous en avez le temps, votre rosaire tous les jours, et vous bénirez, à l'heure de votre mort, le jour et l'heure que vous m'avez cru. Et après avoir semé dans les bénédictions de Jésus et de Marie, vous recueillerez des bénédictions éternelles dans le ciel.
255.
Sixième pratique. Pour remercier Dieu des grâces qu'il a
faites à la Très Sainte Vierge, ils diront souvent le Magnificat.
C'est la seule prière et le seul ouvrage que la Sainte Vierge ait composé,
ou plutôt que Jésus a fait en elle, car il parlait par sa bouche.
C'est le plus grand sacrifice de louange que Dieu ait reçu dans la loi de
grâce.
C'est d'un côté le plus humble et le plus reconnaissant, et de l'autre le plus
sublime et le plus relevé de tous les cantiques. Il y a dans ce cantique des
mystères si grands et si cachés que les anges en ignorent. Gerson, qui a été un
docteur si pieux et si savant, n'entreprit qu'en tremblant, sur la fin de sa
vie d'expliquer le Magnificat, afin
d'en couronner tous ses ouvrages. Il nous rapporte plusieurs choses admirables
du beau et divin cantique. Entre autres choses, il dit que la Très Sainte
Vierge le récitait souvent elle-même, et particulièrement après la Sainte
Communion, pour action de grâces.
Le savant Benzonius, en expliquant le même Magnificat,
rapporte plusieurs miracles opérés par sa vertu, et il dit que les diables
tremblent et s'enfuient quand ils entendent ces paroles du Magnificat : Fecit potentiam
in brachio suo, dispersit superbos mente cordis sui - Il a déployé la force de
son bras, il a dissipé les superbes avec leurs orgueilleuses pensées.
256. Septième pratique. Les fidèles serviteurs de Marie doivent beaucoup mépriser, haïr et fuir le monde corrompu, et se servir des pratiques de mépris que nous avons données dans la première partie.
Pratiques particulières et intérieures pour ceux qui veulent devenir
parfaits.
257. Outre les pratiques extérieures de la dévotion qu'on vient de rapporter, lesquelles il ne faut pas omettre par négligence ni mépris, autant que l'état et la condition de chacun le permet, voici des pratiques intérieures bien sanctifiantes pour ceux que le Saint-Esprit appelle à une haute perfection. C'est en quatre mots, de faire toutes ses actions Par Marie, avec Marie, en Marie et pour Marie, afin de les faire plus parfaitement par Jésus, avec Jésus, en Jésus et pour Jésus.
Faire toutes ses actions par Marie
258.
1° Il faut faire ses actions par Marie, c'est à dire qu'il
faut obéir en toutes choses à la Très Sainte Vierge et se conduire en toutes
choses par son esprit qui est le Saint-Esprit de Dieu.
Ceux qui sont conduits de l'Esprit de Dieu sont enfants de Dieu. Ceux qui sont
conduits par l'esprit de Marie sont enfants de Marie et par conséquents enfants
de Dieu.
Parmi tant de dévots à la Sainte Vierge il n'y a de vrais et fidèles dévots que
ceux qui se conduisent par son esprit.
J'ai dit que l'esprit de Marie était l'esprit de Dieu, parce qu'elle ne s'est
jamais conduite par son propre esprit, mais toujours par l'esprit de Dieu qui
s'en est tellement rendu maître qu'il est devenu son propre esprit.
Que l'âme de Marie soit en chacun pour glorifier le Seigneur; que l'esprit de
Marie soit en chacun pour se réjouir en Dieu.
Qu'une âme est heureuse quand elle est toute possédée et gouvernée par l'esprit
de Marie, qui est un esprit doux et fort, zélé et prudent, humble et courageux,
pur et fécond!
259.
Afin que l'âme se laisse conduire par cet esprit de Marie, il
faut.
1° Renoncer à son propre esprit, à ses propres lumières et volontés avant de
faire quelque chose : par exemple, avant de faire oraison, dire ou entendre la
Messe, communier, etc. Parce que les ténèbres de notre propre esprit et la malice
de notre propre volonté et opération, si nous les suivons, quoiqu'elles nous
paraissent bonnes, mettraient obstacle au saint esprit de Marie.
2° Il faut se livrer à l'Esprit de Marie pour en être mus et conduits de la
manière qu'elle voudra. Il faut se mettre et se laisser entre ses mains
virginales, comme un instrument entre les mains de l'ouvrier, comme un luth
entre les mains d'un bon joueur. Il faut se perdre et s'abandonner en elle,
comme une pierre qu'on jette à la mer : ce qui se fait simplement et en un
instant, par une seule œillade de l'esprit, un petit mouvement de la volonté,
ou verbalement, en disant par exemple : Je renonce à moi, je me donne à vous,
ma chère Mère.
Et quoiqu'on ne sente aucune douceur sensible dans cet acte d'union, il ne laisse
pas d'être véritable. Tout comme si on disait, ce qu'à Dieu ne plaise : je me
donne au diable, avec autant de sincérité, quoiqu'on le dit sans aucun
changement sensible, on n'en serait pas moins véritablement au diable. 3° Il faut de temps en temps,
pendant son action et après l'action, renouveler le même acte d'offrande et
d'union. et plus on le fera, et plus tôt on se sanctifiera, et plus tôt on
arrivera à l'union à Jésus-Christ, qui suit toujours nécessairement l'union à
Marie, puisque l'esprit de Marie est l'esprit de Jésus.
Faire toutes ses
actions avec Marie
260.
2° Il faut faire ses actions avec Marie, c'est à dire qu'il faut,
dans ses actions, regarder Marie comme un modèle accompli de toute vertu et
perfection que le Saint-Esprit a formé dans une pure créature, pour l'imiter
selon notre petite portée.
Il faut donc qu'en chaque action nous regardions comme Marie l'a faite ou la
ferait, si elle était à notre place.
Nous devons pour cela examiner et méditer les grandes vertus qu'elle a
pratiquées pendant sa vie, particulièrement :
1. Sa foi vive, par laquelle elle a cru sans hésiter la parole de l'ange. elle
a cru fidèlement et constamment jusqu'au pied de la croix sur le Calvaire.
2. Son humilité profonde, qui l'a fait se cacher, se taire, se soumettre à tout
et se mettre la dernière.
3. Sa pureté toute divine, qui n'a jamais eu ni n'aura jamais sa pareille sous
le ciel, et enfin toutes ses autres vertus.
Qu'on se souvienne, je le répète, que Marie est le grand est l'unique moule de
Dieu, propre à faire des images vivantes de Dieu, à peu de frais et en peu de
temps. Et qu'une âme qui a trouvé ce moule et qui s'y perd est bientôt changée
en Jésus-Christ que ce moule représente au naturel.
Faire toutes ses
actions en Marie
261.
3° Il faut faire ses actions en Marie.
Pour bien comprendre cette pratique, il faut savoir .
1. Que la Très Sainte Vierge est le vrai paradis terrestre du nouvel
Adam, et que l'ancien paradis terrestre n'en était que la figure.
Il y a donc, dans ce paradis terrestre, des richesses, des beautés, des raretés
et des douceurs inexplicables, que le nouvel Adam, Jésus-Christ, y a laissé.
C'est en ce paradis qu'il a pris ses complaisances pendant neuf mois, qu'il a
opéré ses merveilles et qu'il a étalé ses richesses avec la magnificence d'un
Dieu.
Ce très saint lieu n'est composé que d'une terre vierge et immaculée, dont a
été formé et nourri le nouvel Adam, sans aucune tâche ni souillure, par
l'opération du Saint-Esprit qui y habite.
C'est en ce paradis terrestre où est véritablement l'arbre de vie qui a porté
Jésus-Christ, le fruit de vie, l'arbre de science du bien et du mal qui a donné
la lumière au monde.
Il y a, en ce lieu divin, des arbres plantés de la main de Dieu et arrosés de
son onction divine, qui ont porté et portent tous les jours des fruits d'un
goût divin.
Il y a des parterres émaillés de belles et différentes fleurs des vertus, qui
jettent une odeur qui embaume même les anges.
Il y a dans ce lieu des prairies vertes d'espérance, des tours imprenables de
force, des maisons charmantes de confiance…Il n'y a que le Saint-Esprit qui
puisse faire connaître la vérité cachée sous ces figures de choses matérielles.
Il y a en ce lieu un air pur, un beau jour, sans nuit, de l'humanité sainte, un
beau soleil, sans ombres, de la Divinité. Il y a une fournaise ardente de
charité, où tout le fer qui y est mis est embrasé et changé en or. Il y a un
fleuve d'humilité qui sourd de terre et qui, se divisant en quatre branches,
arrose tout ce lieu enchanté : ce sont les quatre vertus cardinales.
262.
2. Le Saint-Esprit, par la bouche des Saints Pères,
appelle aussi la Sainte Vierge .
1° La porte orientale, par où le grand prêtre Jésus-Christ entre et sort dans
le monde. Il y est entré la première fois par elle, et il y viendra la seconde.
2° Le sanctuaire de la Divinité, le repos de la très Sainte Trinité, le trône
de Dieu, la cité de Dieu, l'autel de Dieu, le temple de Dieu, le monde de Dieu.
Toutes ces différentes épithètes et louanges sont très véritables par rapport
aux différentes merveilles et grâces que le Très-Haut a faites en Marie.
Oh! Quelles richesses! Oh! Quelle
gloire! Oh! Quel plaisir! Oh! Quel bonheur de pouvoir entrer et
demeurer en Marie, où le Très-Haut a mis le trône de sa gloire suprême!
263.
Mais qu'il est difficile à des pécheurs comme nous sommes
d'avoir la permission et la capacité et la lumière pour entrer dans un lieu si
haut et si saint, qui est gardé non par un chérubin, comme l'ancien paradis
terrestre, mais par le Saint-Esprit même qui s'en est rendu le maître absolu.
Marie est fermée, Marie est scellée.
Les misérables enfants d'Ève, chassés du paradis terrestre, ne peuvent entrer à
celui-ci que par une grâce particulière du Saint-Esprit, qu'il doivent mériter.
264.
Après que, par sa fidélité, on a obtenu cette insigne grâce, il
faut demeurer dans le bel intérieur de Marie avec complaisance, s'y reposer en
paix avec confiance, s'y cacher avec assurance et s'y perdre sans réserve, afin
que dans ce sein virginal l'âme y soit nourrie du lait de sa grâce et de sa
miséricorde, y soit délivrée de ses troubles, craintes et scrupules, y soit en
sûreté contre tous ses ennemis, le démon, le monde et le péché, qui n'y ont
jamais eu entrée.
C'est pourquoi elle dit que ceux qui opèrent en elle ne pécheront point. C'est
à dire ceux qui demeurent en la Sainte Vierge en esprit ne feront point de
péché considérable.
Faire toutes ses
actions pour Marie
265.
4° Enfin, il faut faire toutes ses actions pour Marie.
Car, comme on s'est tout livré à son service, il est juste qu'on fasse tout
pour elle comme un valet, un serviteur et un esclave. Non pas qu'on la prenne
pour la dernière fin de ses services, qui est Jésus-Christ seul, mais pour sa
fin prochaine et son milieu mystérieux, et son moyen aisé pour aller à lui.
Ainsi qu'un bon serviteur et esclave, il ne faut pas demeurer oisif. Mais il
faut, appuyé de sa protection, entreprendre et faire de grandes choses pour
cette Auguste Souveraine.
Il faut défendre ses privilèges quand on les lui dispute.
Il faut soutenir sa gloire quand on l'attaque.
Il faut attirer tout le monde, si on peut, à son service et à cette vraie et
solide dévotion.
Il faut parler et crier contre ceux qui abusent de sa dévotion pour outrager
son Fils, et en même temps établir cette véritable dévotion.
Il ne faut prétendre d'elle, pour récompense de ses petits services, que
l'honneur d'appartenir à une si aimable Princesse, et le bonheur d'être par
elle uni à Jésus, son Fils, d'un lien indissoluble dans le temps et l'éternité.
GLOIRE
À JÉSUS EN MARIE !
GLOIRE
À MARIE EN JÉSUS !
GLOIRE
À DIEU SEUL !