Voir aussi la proposition d'expériences non destructives du tissu.

Histoire certifiée du linceul en bref

En 1357, le Saint Suaire, actuellement vénéré à Turin, apparaît dans l'église de Lirey (bâtie en 1353) en France, dans le fief de Geoffroy de Charny. Une petite pièce de plomb de 5x3 cm² conservée au Musée de Cluny à Paris, montre une représentation du Suaire surmontant l'image d'une tombe appartenant à Jeanne de Vergy et à son époux Geoffroy de Charny, mort en 1356: on date cette pièce de 1356-1370. L'évêque de Troyes à cette époque, Henri de Poitiers, est mécontent de la venue de cette nouvelle relique d'origine inconnue dans son diocèse. En 1370, toute ostention est interdite. Le Suaire est placé au Château de Montfort-en-Auxois jusqu'en 1389. Cette année-là, les ostentions reprennent suite à la permission accordée par un cardinal légat et ensuite par le Pape Clément VII. Les pèlerins affluent. Mais le deuxième successeur d'Henri de Poitiers, l'évêque Pierre d'Arcis, écrit une protestation au Pape dans une lettre (l'authenticité de celle-ci est mise en doute). En tout cas, elle n'a pas eu l'effet escompté: le Pape maintint l'autorisation accordée aux chanoines de la collégiale de Lirey.

Lors de la guerre de Cent Ans, le linceul fut mis en sécurité en 1418 chez le comte de la Roche époux de Marguerite de Charny. Cette dernière refusa de rendre le Suaire aux chanoines en 1443, la dispute s'envenima et conduisit Marguerite à l'excommunication en 1457. En réalité, ayant besoin de titres ou d'argent, elle avait déjà cédé le linceul à Louis 1er, duc de Savoie, dès 1453. Cette cession se fit dans la discrétion, puisque le commerce de reliques était interdit. Le linceul se retrouve à Genève.

En 1471, la relique privée de la famille de Savoie est reconnue authentique par le Pape Sixte IV. Jules II accorda même des indulgences pour le culte de la relique. On réalisa alors plusieurs copies du Suaire. En 1502, elle sera déposée dans la chapelle du Château de Chambéry, pliée dans un reliquaire en argent..

C'est là qu'elle subira en 1532, un incendie qui brûlera en partie la relique. Une goutte d'argent liquide la transpercera. Les Clarisses de la ville la répareront. On fera alors voyager la relique un peu partout dans la région.Ce n'est qu'en 1578 que la relique sera définitivement installée à Turin.

Son histoire se déroule alors sans problème majeur jusqu'en 1898, date à laquelle Secondo Pia, un avocat italien passionné de photographie, va développer la toute première photographie du Suaire.

Le négatif par lequel il doit passer pour obtenir une telle photographie, impressionne grandement par son contraste plus réaliste que le linceul original

Comparez les photos ci-contre.

En 1931, lors d'une ostention, Enrié prendra des photographies plus contrastées encore.

Le reste est de l'histoire moderne. En 1978, le STURP (Shroud of Turin Research Project) composé d'une équipe scientifique, analyse le Suaire à la loupe. Leurs résultats sont étonnants. Max Frei trouve des pollens de plantes du Moyen Orient sur le tissu. L'analyse anatomique montre une précision médicale inhabituelle. Mais on ne veut réaliser aucune expérience destructive, donc pas encore de datation au C14. A cette époque en effet, l'échantillon nécessaire pour une datation correcte est trop grand pour être acceptable. En 1979, Gove demande et obtient la permission de réaliser des mesures avec sa nouvelle méthode de datation AMS au C14: les résultats semblent tellement aberrants qu'ils seront rejetés. En 1980, Ugolotti et Marastoni découvrent des inscriptions sur le Suaire.

Il faudra attendre 1988 avant de mettre tout le monde d'accord au sujet du C14 (l'Eglise qui en devint propriétaire en 1983, les laboratoires, les protocoles de mesure, etc.). Le résultat des mesures donne un âge d'environ 700 ans (de 1260 à 1390 après Jésus-Christ). Mais les laboratoires divergent nettement dans leurs mesures, en particulier le laboratoire d'Oxford, et cela uniquement pour les échantillons du Suaire. Le niveau significatif d'accord entre les trois résultats est de 5%, alors que pour les trois autres échantillons de test, le niveau significatif (montrant l'accord des mesures entre les laboratoires) est élevé (30%, 50% et 90%: voir le numéro 337 de Nature, février 1989, pp. 611-615 et notre page de proposition d'expériences).

En 1993, a lieu à Rome un congrès sur le Suaire de Turin: plusieurs scientifiques s'interrogent sur les méthodes et le protocole suivis pour la datation au C14, et mettent en doute certains résultats et interprétations.

Le linceul pourrait avoir subi un enrichissement en C14 au cours de son histoire mouvementée. Les causes d'enrichissement possibles vont des échanges ioniques lors des incendies (atmosphère très chaude riche en carbone jeune, avec catalyse de traces d'argent selon Kouznetsov), présence de matières organiques inanimées ou vivantes (le tissu a été vénéré par des pèlerins et a été encensé, manipulé par beaucoup et probablement plus en touchant les bords que l'image, présence de bactéries ou de moisissures, etc.).

On possède des allusions écrites et des représentations du Suaire antérieures à la datation des laboratoires (par exemple le Codex de Pray de 1150, comme l'explique le prof. Lejeune).

Entre 1994 et 1996, l'Institut d'optique d'Orsay (A. Marion et A.-L. Courage) confirme la présence d'inscriptions en grec et latin sur le Suaire (rien en français du 13e s.).

En avril 1997, la cathédrale de Turin subit un incendie qui sera à deux doigts de détruire le linceul, sauvé par l'équipe de pompiers de la ville. 1998 est l'année du 100e anniversaire de la photo de Secondo Pia, et le cardinal Saldarini la proclame année d'ostention. Il en sera de même lors de l'année sainte de l'an 2000.

Le Suaire de Turin est-il le Mandylion ?

Avant le 14e s. on perd la trace du Suaire de Turin, mais divers documents et représentations y semblent faire référence. Essayons de retracer l'histoire présumée du linceul du Christ. Plusieurs écrits parlent du "Mandylion d'Edesse". Même si histoire et légendes semblent se confondre, on peut dégager l'histoire suivante:

Selon le récit des évangiles, Jésus de Nazareth est mort à Jérusalem, crucifié après flagellation au début du premier siècle, un vendredi, la veille du 14 nisàn (Pâques dans le calendrier juif). La Pâques tombait cette année-là le jour de shabbat: on pense donc selon nos calculs au vendredi 7 avril de l'an 30. Le corps enveloppé d'un linceul, fut déposé dans un sépulcre neuf, appartenant à un juif riche nommé Joseph, originaire d'Arimathie. Jésus n'aurait pu se payer un tel linceul, qui devait être d'excellente qualité. Jésus reposa le shabbat dans le tombeau. Son cadavre portait les traces du supplice: les trous des clous aux mains et aux pieds, un couronnement d'épines, la flagellation, ainsi qu'une perforation de lance romaine jusqu'au coeur.

Le témoignage des disciples est unanime: dimanche, tôt le matin, il ressuscite. Les apôtres observent le linceul, resté en place (peut-être le sang et la sueur séchés le maintenaient-ils selon la forme du corps), le "suaire" et les bandelettes enroulées à part (le Suaire de Turin n'est pas en fait un suaire, mais un linceul: néanmoins, plié en quatre de façon à ne laisser voir que la face, il fut confondu avec un suaire, et il en garde le nom. Peut-être est-il le linceul du Christ). Les actes des apôtres attestent que Jésus est encore resté 40 jours sur terre pour disparaître ensuite. Il ne reviendra qu'à la fin du monde actuel.

Le linceul semble avoir été récupéré par les disciples de Jésus. Mais un linge mortuaire ayant servi était impur et devait être brûlé. Il le cachèrent dans un premier temps. La légende raconte que le roi Abgar V d'Edesse (ville ancienne située dans le sud de la Turquie actuelle) étant très malade, demanda à Jésus de le guérir. Il lui fallut attendre l'envoi du linceul de Jésus, ce qui fut fait, et ayant été guéri par contact, il se convertit en 35 de notre ère.

En 594, Evagre le Scolastique mentionne la présence à Edesse du "Mandylion", une image du Christ non faite de main d'homme ("archeiropoïète"). Les représentations du Christ ressemblent à l'image du Mandylion. L'iconographie du Christ change. Le Mandylion est pris pour le suaire de Jésus.

En 944, le Mandylion est transporté à Constantinople, où il est vénéré comme linceul de Jésus-Christ. Peut-être a-t-on déplié le linceul à cette époque, faisant ainsi apparaître l'entièreté du corps crucifié.

Vers 1150, on représente le linceul du Christ sur une miniature, dans le Codex de Pray, conservé à Budapest. On y distingue le Christ avec des mains sans pouce visible, croisées au niveau des poignets comme sur le Suaire de Turin. Les pieds ne sont pas visibles, comme sur le Suaire de Turin, face avant. Le linceul du Codex est plié à la manière juive. La partie supérieure montre des structures en Z comparables au tissage du sergé de lin de Turin. La partie inférieure représente une série de petites croix qui font penser aux traces de flagellations croisées sur le dos et les jambes de l'homme de Turin. Finalement, une série de trous en forme de "L" visible sur le Suaire de Turin, sont représentés sur les deux faces du linceul du Codex. (cfr. R. Van Haelst) Ces éléments sont tellement frappants qu'ils mettent en doute la datation officielle au C14 (qui donne une origine entre 1240 et 1340).

En 1204, le "Mandylion", alors conservé à Sainte Marie de Blachernes, disparaît lors du sac de Constantinople par les croisés, ainsi que l'affirme un chevalier picard ou wallon, chroniqueur de la 4e croisade, nommé Robert de Clary (document conservé à la bibliothèque royale de Copenhague).

Certains historiens pensent alors que le Mandylion a dû être pris par quelque croisé de famille noble ou récupéré par un ordre militaire (comme les templiers) d'Europe occidentale (France par exemple). Ils expliquent ainsi que ce Mandylion puisse être de fait le linceul de Lirey, devenu plus tard Suaire de Turin.

Informations supplémentaires

Consultez shroud.com pour obtenir une information complète;
Voyez aussi notre page de proposition d'expériences non destructives du tissu.

Sites intéressants :
http://www.suaire-science.com
http://www.linceul.new.fr

Courrier des visiteurs

Abbé Ph. Dalleur
Docteur en Sciences appliquées
Docteur en Philosophie